Archives de catégorie : Greffe de moelle

Merci à Karine d’avoir activement travaillé et permis à ces articles de figurer sur le site de Médicalistes

Prélèvement et Conservation d’Organes

-* Auteurs : D. HOUSSIN ET F. FILIPPONI

  • Ouvrage: Traité de Médecine (3ème édition), éd. Flammarion
  • Date de publication: septembre 1996

Nous sommes conscients que cet article est relativement ancien; toutefois, il renferme des renseignements qui vous seront sans doute utiles; aussi l’avons-nous laissé en ligne. Par ailleurs, si vous disposiez d’articles plus récents sur le même sujet, n’hésitez pas à nous en faire part afin de demander leur autorisation à leurs auteurs pour une publication en ligne sur ce site



Les années 80 ont été marquées par un formidable essor des greffes d’organes, en particulier du foie, du coeur et des poumons. Le prélèvement d’organes, limité jusqu’alors aux reins, s’est modifié: le concept de prélèvement multiorganes s’est banalisé. Parallèlement, des progrès importants dans la conservation ont permis de prolonger les durées d’ischémie froide de certains organes (notamment le foie) sans dégrader leur valeur fonctionnelle. Mais, en dépit d’efforts constants menés par les équipes de transplantation pour développer les greffes, la pénurie d’organes reste un problème inquiétant.

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CONSERVATION D’ORGANES

Le but principal de la conservation d’organes est de maintenir la viabilise des differents organes ex vivo pour une periode de temps qui peut aller jusqu’à 48 heures, suffisante pour le transport eventuel des organes du centre preleveur vers les centres transplanteurs, leur attribution selon le degre d’urgence, de priorite ou de meilleure compatibilite tissulaire, I’utilisation de tous les organes prelevables. La gestion de ces organes est tres differente selon qu’il s’agit d’un organe vital comme le coeur le foie et le poumon, ou du rein pour lequel un retard a la reprise de fonction du greffon est tolerable « race au recours a l’hemodialyse.

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Principe de la conservation: la refrigeration

En normothermie (37 °C) I’interruption de la vascularisation d’un organe (ischemie) entrame la necrose cellulaire rapide. L’ische’mie chaude, lorsque l’organe n’est plus perfuse par le sang du donneur mais n’est pas encore refrigere, est une periode tres mal toleree et ne doit pas depasser quelques minutes. La protection des organes contre les lestons dues a l’ischemie chaude repose sur la refrigeration, car la diminution de la temperature des tissus entraine un effondrement de leurs besoins energetiques (les besoins en O2 à 5°C sont a 5% de leur valeur a 37°C) L’ischemie en hypothermie ou ischemie froide dure depuis le lavage refrigerant de l’organe jusqu’a sa reperfusion chez le receveur. Elle ne stoppe pas totalement le metabolisme cellulaire, mais ralentit les vitesses des reactions enzymatiques et retarde la mort cellulaire. Le support biochimique des modifications cellulaires provoquees par l’ischemie froide est le suivant: inactivation de la pompe a sodium par le froid et par le deficit en ATP avec penetration intracellulaire de sodium puis d’eau et « onflement cellulaire; modification du metabolisme du glucose qui ne peut plus suivre la voie hautement energetique de la glycolyse aerobie integree au cycle de Krebs normalement producteur d’electrons reducteurs permettant les phosphorylations oxydatives au niveau des cha’ines respiratoires mitochondriales et la regeneration d’ATP. Au cours de l’ischemie froide, le metabolisme s’oriente vers la glycolyse anaerob -ie, generatrice d’acide lactique avec acidification tissulaire, rupture des membranes Iysosomales et destruction cellulaire par les enzymes Iytiques liberees; lors de la reperfusion, I’oxygene est transforme en radicaux libres de type peroxydes et superoxydes, tres toxiques pour les membranes cellulaires.

Les techniques de refrigeration reposent sur la perfusion hypothermique des vaisseaux afferents au greffon a l’aide d’une solution a 4°C,

 soit in situ, lors d’un prelevement sur donneur en etat de mort cerebrale. Les organes sont laves et refrigeres dans le corps du donneur avant leur explantation, en substituant au moment de l’arret circulatoire la perfusion du liquide refrigerant a la circulation sanguine. Cette perfusion supprime toute ischemie chaude;

 soit ex vivo, lors d’un prelevement sur donneur vivant. Immediatement apres la deconnexion, I’artere du greffon (ou la veine porte dans le cas du foie) est perfusee par simple gravite en jugeant l’efficacité sur la decoloration de l’organe et la clarte du retour veineux.

Le greffon est ensuite conserve:

 soit par simple immersion de l’organe dans un liquide maintenu entre 4 et 8 oc, technique la plus repandue, simple, peu couteuse et efficace quel que soit l’organe considere. Le greffon baignant dans son liquide de conservation est hermetiquement et sterilement place dans un recipient protege par un emballage en plastique sterile et enfoui dans de la glace pilee au sein d’un conteneur isotherme;

 soit par perfusion continue hypothermique, technique reservee aux greffons renaux, necessitant un appareillage sophistique et dont le benefice n’apparaît qu’au-delà de la 48e heure de conservation et pour 24 heures supplementaires. Le rein est canule et perfuse en permanence selon un mode pulsatile par une solution refrigerante oxygenee, avec controle constant de la temperature, de la pression de perfusion et des caracteristiques biochimiques.

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Liquides de conservation

Les consequences deleteres de l’ischemie froide peuvent etre attenuees par la composition de solutions refrigerantes de conservation. Les liquides de conservation permettent de recuire l’cedcnne cellulaire en retablissant une pression osmotique extracellulaire, de prevenir l’acidose intracellulaire, de limiter l’expansion de l’espace interstitiel lors de la perfusion de l’organe ainsi que les lestons de reperfusion dues aux radicaux libres accumules.

 L’UTILISATION HABITUELLE DES SOLUTIONS DE CARDIOPLÉGIE

L’utilisation des solutions de cardioplegie, riches en potassium et hyperosmolaires, dans la chirurgie a cceur ouvert, a ete etendue a la conservation du greffon cardiaque. Leurs performances moyennes autorisent des durees de conservation de 3 a 6 heures seulement.

 SOLUTION D’EURO-COLLINS

Mise au point par l’equipe de Collins pour conserver les greffons renaux, cette solution a une forte osmolarite liee a des concentrations elevees en glucose et en potassium. Cette solution adoptee a l’echelon europeen facilite les echanges, en particulier de reins, entre centres de transplantation et autorise des celais de conservation de 48 heures pour le rein. Elle est beaucoup moins performante pour les greffons hepatiques et pancreatiques, qui ne peuvent etre conserves en toute securite que 6 a 8 heures. Le glucose, principal impermeant de l’Euro-Collins, est mal adapte a la conservation hepatique. En effet, il penetre dans les hepatocytes, ou sa phosphorylation en glucose-6-phosphate est inactivee par la glucokinase; cette enzyme n’étant pas inhibee par le glucose-6-phosphate, le glucose est rapidement metabolise en acide lactique. Dans le rein, au contraire, la phosphorylation du glucose est sous la dependance d’une hexokinase soumise au retrocontrole negatif du glucose-6-phosphate: I’autoregulation du metabolisme du glucose explique la meilleure tolerance de la solution d’Euro-Collins par le rein.

 SOLUTION DE L’UNIVERSITE DU WISCONSIN (SOLUTION UW)

Mise au point par l’equipe de Belzer et Southard a Madison, la solution UW a permis de porter la duree de conservation hepatique de securite a 15 heures et d’augmenter les echanges de pancreas et de foie entre les differents centres. Son efficacite dans la conservation des greffons cardiaques est en cours d’evaluation.

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PRELEVEMENT D’ORGANES

Jusqu’à present, I’espece humaine est le seul << reservoir >> d’organes prelevables en vue de transplantation. Ces prelevements s’effectuent chez le sujet en etat de mort cerebrale et parfois chez le donneur vivant.

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1. Chez le sujet en mort cerebrale

Un coeur, deux poumons, un foie, un pancreas, deux reins, un segment intestinal et des tissus divers sont potentiellement disponibles dans le cadre d’un prelevement multiorganes.

MORT CEREBRALE
Le sujet en mort cerebrale est un cadavre dont l’activite cardiaque est temporairement conservee par un mecanisme reflexe a l’etage sous-encephalique, et dont l’activite respiratoire et la stabilise hemodynamique sont maintenues art)ficiellement de maniere transitoire. Quelle que soit l’etiologie (traumatisme cranien, hemorragie intracranienne, anoxie cerebrale), le substrat physiopathologique de la mort cerebrale est le meme: constitution d’un cedeme cerebral tel que la pression intracranienne devient superieure a la pression intraluminale des vaisseaux cerebraux. II s’ensuit une necrose ischemique irreversible du cerveau et du tronc cerebral [1, 3].

La destruction du systeme nerveux intracranien entra’ine:

 la liberation des centres medullaires sousjacents permettant a un automatisme medullaire de s’exprimer, d’ou la persistance possible des reflexes osteo-tendineux et un signe de Babinski;

 la suppression des stimuli centraux des centres inspiratoire et expiratoire, du centre cardio-moteur avec baisse de la competence myocardique par reduction de l’inotropisme, et de chemo- et barorecepteurs dont les arcs reflexes sont detruits, interrompant l’activite du centre vasoconstricteur et entraînant une vasoplegie;

 la destruction du centre thermoregulateur hypothalamique: la perte thermique de l’ordre de I oc par heure resulte d’une diminution de la thermogenese par arret de la production de chaleur metabolique et par diminution du travail musculaire associee a un accroissement de la thermolyse peripherique liee a la vasoplegie;

 des troubles metaboliques et des anomalies de la permeabilite membranaire lies au ralentissement circulatoire, a l’hypoxie tissulaire, a l’hypothermie, a l’inhibition des ATPases membranaires et a l’acidose. II en resulte des perturbations hydro-electrolytiques avec hypokaliemie, des troubles de l’equilibre acido-basique avec tendance a l’egalisation des pH intra et extracellulaire, et au niveau renal un diabete insipide par diminution de la secretion d’ADH, liee a l’alteration du diencephale et a la destruction de l’axe hypothalamo-hypophysaire. La polyurie s’accompagne d’une hyperkaliurie et d’une hypernatremie. La permeabilite membranaire accrue augmente la lactacidorachie;

 des perturbations hemodynamiques avec hypovolemie secondaire a la deshydratation, a la vasoplegie et a la chute de l’ADH (antidiuretic hormone, hormone antidiuretique) et une defaillance myocardique, caracterisee par une tendance a la bradycardie qui peut favoriser une fibrillation ventriculaire et une alteration de la contractilite, une chute du debit cardiaque, une hypotension systemique, une insuffisance circulatoire generalisee debutant par les reins, le pancreas, le foie [2].

Le diagnostic de mort cerebrale est evoque cliniquement devant un coma profond areactif avec: a) abolition de toute activite dans les territoires des nerfs craniens; les reflexes corneens et photomoteurs sont abolis avec une mydriase bilaterale areactive; par contre, une activite medullaire peut persister (reflexes osteo-tendineux, reflexes cutanes plantaires, priapisme); b) abolition de la respiration spontanee, verifiee par une epreuve de debranchement du respirateur de 15 minutes.

Le diagnostic de mort cerebrale est confirme par le trace electro-encephalographique nul, soit deux traces EEG isoelectriques enregistres chacun pendant 2O minutes (avec au moins IO electrodes et trois niveaux de sensibilise) a 3 heures d’intervalle. Le silence electro-cortical depourvu de toute reactivite aux stimulations auditives ou nociceptives est un critere fiable de mort cerebrale si les conditions techniques sont rigoureusement mises en _uvre. Cet examen est un document medico-legal indispensable selon la circulaire Jeannerey d’avril 1968. D’autres examens complementaires, non indispensables au plan medico-legal, peuvent apporter une aide au diagnostic: potentiels evoques, modifications du liquide cephalo-rachidien, avec augmentation significative des ASAT (aspartate aminotransferase) et des LDH (lacticodeshydrogenase), arteriographie cerebrale qui fournit la preuve de l’arret circulatoire arteriel.

 PRISE EN CHARGE MEDICALE DU DONNEUR AVANT ET PENDANT LE PRELEVEMENT

Afin de maintenir pendant 12 a 24 heures, jusqu’au prelevement, une oxygenation et un etat hemodynamique satisfaisants dans des conditions d’asepsie rigoureuse, le donneur est equipe: electrocardioscope, sonde d’intubation tracheale, sonde gastrique, sonde vesicale, sonde thermique, catheter arteriel radial, sonde de Swan-Ganz dans l’artere pulmonaire, acces veineux central, 2 voies veineuses peripheriques. La surveillance de la frequence cardiaque, la pression arterielle, la diurese horaire, la pression veineuse centrale (ou pression arterielle pulmonaire) est couplee a la surveillance biologique des urines et du sang toutes les 6 heures. L’assistance ventilatoire est obligatoire, les centres de commande du tronc cerebral etant detruits. Le malade est intube, ventile avec une FiO2 de 40 p. I OO de maniere a garder une PaO2 superieure a IOO mmHg et une PaCO2 entre 3O et 4O mmHg. La liberte de l’arbre tracheo-bronchique est assuree par des aspirations bronchiques effectuees aseptiquement.

La pression arterielle systolique est maintenue au-dessus de IOO mmHg par remplissage vasculaire (albumine, plasma frais, concentres erythrocytaires) et l’hematocrite doit rester superieur a 3O p. IOO. La pression veineuse centrale doit se maintenir entre 5 et IO cmH2O. Si, dans ces conditions, I’etat hemodynamique reste precaire, le recours aux catecholamines est indique (dopamine a doses inferieures a 6 pg/kg/min, puis dobutamine). La diurese est compensee volume a volume en alternant serum glucose a 2,5 p. IOO et serum sale a O,9p.1OO. L’apport electrolytique tend a corriger l’hypokaliémie, I’hypocalcemie et l’hypernatremie. En cas de polyurie superieure a SOO cm, la vasopressine peut etre administree.

Les infections, en particulier pulmonaires, sont prevenues par une antibioprophylaxie ciblee sur les enterobacteries et le staphylocoque dore.

 VALIDATION DU DONNEUR

L’etape initiale de l’organisation d’un prelevement multiorganes permet de verifier l’absence de contre- indication au prelevement d’un ou de plusieurs organes. Les donnees suivantes sont analysees: a) age du donneur; b) cause de la mort ce’re’brale; c) recherche d’ante’cedents d’hypertension arterielle, de diabete, d’une affection hepatique chronique ou aiguE, de tout autre antecedent medico-chirurgical, les notions de toxicomanie ou d’homosexualite etant importantes a connaitre; d) examen clinique recherchant des stigmates de contusion thoracique ou abdominale avec mesure de la taille, du poids et du perimetre basithoracique du donneur; e) pre’levements biologiques sanguins et urinaires mesurant les fonctions renales, hepatiques, pancreatiques avec serologies des virus de l’hépatite B, VIH et CMV, hemocultures, prelevements tracheaux et urinaires pour examen bacteriologique; 1) ECC et radiographie du thorax, echographie cardiaque au moindre doute; g)echographie abdominale a la recherche d’un epanchement peritoneal, d’un hematome sous- capsulaire ou intraparenchymateux du foie, et precisant les dimensions de cet organe; h) groupage sanguin et typage HLA.

Au terme de ce bilan peuvent apparaître des contre-indications au prelevement d’ordre general ou specifiques d’un organe: a) criteres gene’raux d’exclusion (cancer_sauf tumeurs cerebrales primitives, infection evolutive non eradicable_dont l’infection due au virus VIH); b) criteres d’exclusion du pre’levement re’nal (age superieur a 6O ans, pathologie uro-nephrologique preexistante, fonction renale alteree maigre une reanimation correcte, hypertension arterielle severe, diabete); c) criteres d’exclusion du prelevement cardiaque (age superieur a 45 ans_en fonction de 1’urgence de la greffe_, pathologie cardiaque associee, mauvaise hemodynamique maigre une reanimation correcte; d) criteres d’exclusion du pre’levement hepatique (age superieur a SS ans_a discuter en fonction de l’urgence_, pathologie hepatique associee, anomalie majeure de la biologie hepatique).

 DEMARCHES MÉDICO-LÉGALES

Les prelevements d’organes sur des patients en etat de mort cerebrale sont autorises en France par le decret no 78SOI du 31 mars 1978 pris pour 1’application de la loi du 22 decembre 1976 (loi Caillavet) et publie au Journal officiel du 4 avril 1978. La loi, appliquant la conception du consentement presume., fait de tout sujet decede un donneur d’organe potentiel, si celui-ci ne s’est pas oppose a cette procedure de son vivant. Elle fait aussi obligation aux medecins d’informer les proches du donneur de l’intention de prelever les organes, puisqu’ils sont les depositaires privilegies des volontes exprimees par le defunt, verbalement ou par ecrit. Le refus de la famille n’a pas theoriquement a etre pris en compte s’il ne s’accompagne pas de justifications affirmant la position personnelle du donneur.

Le coordinateur, selon la loi, doit informer du prelevement le directeur de l’hopital, faire signer le constat du deces par deux medecins avant l’entree en salle d’operation, prevenir le Procureur de la Republique si, a l’origine du coma depasse, il y a crime, suicide, accident du travail ou toute autre raison pouvant justifier une autopsie medico-legale et recevoir l’autorisation signee du tuteur legal dans les cas d’un mineur ou d’un incapable.

 LOGISTIQUE DU PRELEVEMENT

Le coordonnateur est charge d’informer les equipes locales de prelevement et France Transplant des que le diagnostic de mort cerebrale est pose. France Transplant, association Loi 19OI fondee en 1969 par le professeur J. Dausset et reconnue d’utilite publique le 18decembre 1978, a ete recemment integree dans 1’Etablissement fran,cais public charge des greffes d’organes, mais aussi de moelle et de tissus.

L’organisation du prelevement contribue a prendre en charge le malade pour lequel l’indication de transplantation a ete posee: avant la greffe, en assurant son inscription sur la liste d’attente nationale dont elle assure l’accessibilite 24 heures sur 24 et la mise a jour; au moment du pre’levement et de la greffe, en assurant la coordination du prelevement, I’attribution des greffons, la logistique de communication, la saisie informatique des donnees; apres la greffe, en assurant la mise a jour du Registre national des transplantations. La repartition des organes est faite par des secretariats permanents de regulation avec sept sections regionales qui repartissent les organes dans le respect de regles nationales pour chaque organe selon differents parametres: groupe sanguin ABO, typage HLA, adequation de poids donneur/receveur. degre d’urgence, anciennete d’inscription sur la liste, priorite des multigreffes. Les priorites absolues sont d’abord prises en compte. En l’absence de priorite absolue, I’ordre de choix est local, puis en cas d’absence de receveur correspondant aux criteres retenus, le choix est regional et si besoin national vers une autre region ou vers l’etranger.

 TECHNIQUE CHIRURGICALE DU PRELEVEMENT D’ORGANES

Face a la penurie de greffons, la regle est de prelever, chez un meme donneur, le plus grand nombre possible d’organes transplantables. La technique chirurgicale parfaitement rodee permet une intervention facile le plus souvent, parfois cependant emaillee d’incidents conduisant a la perte d’un ou de plusieurs organes. Les cifficultes sont lices a l’instabilite hemodynamique, aux anomalies de la distribution vasculaire, aux incidents lors de la perfusion et aux fautes d’asepsie.

Apres installation du donneur en decubitus dorsal, I’incision standard est une sterno-laparotomie mediane cervico-pubienne. L’equipe thoracique, apres avoir ouvert le pericarde, apprecie l’etat du c_ur Les chirurgiens visceraux verifient l’absence de tumeur, de foyer infectieux ou de malformation grave susceptible de contre-indiquer tout ou partie du prelevement; ils evaluent la qualite des organes et recherchent des anomalies vasculaires. Cette phase d’exploration engage lourdement la responsabilite du preleveur. Les organes sont ensuite disse-tues apres refrigeration des organes abdominaux et preparation des reins. Une partie du retroperitoine est exposee en decollant le colon droit et le duodeno-pancreas, en decrochant la racine du mesentere en direction de l’angle duodenojejunal tout en epargnant la veine mesenterique inferieure qui est utilisee pour la perfusion portale. Aorte et veine cave inferieure sont dissequees immediatement au-dessus des vaisseaux iliaques. Ces manreuvres preparent le temps ulterieur de canulation. La palpation des deux loges renales s’assure de l’absence d’anomalie.

La preparation du foie est recuite a l’ouverture de la vesicule biliaire et a son lavage par du serum physiologique, a la canulation de la veine mesenterique inferieure.

La preparation du pancreas est plus souvent segmentaire. Dans ce cas, la section entre ligatures des ligaments gastro-colique, gastro- splenique et spleno-colique precede la liberation de la rate. La rate est tenue comme une poignee pendant la suite de la dissection, pour ne pas traumatiser le pancreas. Le bord superieur est libere jusqu’a la jonction tronc cceliaque-artere splenique. La racine du mesocolon transverse est abaissee et le bord inferieur du pancreas est degage jusqu’a la veine mesenterique inferieure. Les autres temps seront realises apres refrigeration. Dans le cas de la preparation du pancreas total, apres liberation du pancreas gauche dans les memes conditions que lors du prelevement du pancreas segmentaire, est effectue le decollement duodéno-pancréatique jusqu’au plan aortique anterieur. Le controle des elements du pedicule portai, du pedicule mesenterique superieur sous l’isthme pancreatique, des afferences arterielles du pancreas et l’agrafage du quatrieme duodenum sont effectues sous refrigeration.

La preparation du coeur comprend l’ouverture et la suspension du pericarde, la liberation de l’aorte thoracique avant le depart du tronc brachiocephalique et la liberation des veines caves superieure et inferieure intrapericardiques.

a) Canulations et clampages Apres heparinisation du donneur, I’equipe cardiaque met en place la canule de cardioplegie dans la racine de l’aorte. Si les poumons sont preleves, une canule de pneumoplegie est installee dans l’artere pulmonaire. Dans le meme temps, I’equipe abdominale a canule l’aorte abdominale a sa terminaison, la veine porte et enfin la veine cave inferieure sousrenale pour la decharge. Apres clampage des veines caves intrapericardiques, de l’aorte thoracique et supra-creliaque, le cceur est rapidement arrete par la perfusion rapide du liquide de cardioplegie. La mise en route des perfusions aortique et porte a gros debit et l’ouverture de la decharge cave permettent le lavage du pancrcas, du foie et des reins. La ventilation assistee est acretee.

b) Explantation des organes Le coeur ou le bloc creur-poumons est preleve en premier lieu. Apres arret de la perfusion aortique, section des veines caves superieure et inferieure, la masse ventriculaire est reclinee vers le haut, pour sectionner les veines pulmonaires gauches, I’artere pulmonaire a sa bifurcation, les veines pulmonaires droites. L’oreillette gauche est ensuite separee de son accolement pericardique et la section de l’aorte au ras du clamp finit de liberer le greffon cardiaque, qui est immediatement immerge dans du liquide de cardioplegie a 4 oc, puis sterilement et hermetiquement isole.

Le prelevement hepatique vient en deuxieme lieu, apres avoir passe 2 a 3 litres de perfusion aortique et I a 2 litres de perfusion portale. La voie biliaire principale et l’artere gastro-duodenale sont sectionnees au ras du pancreas cephalique. L’ artere hepatique commune est dissequee jusqu ‘ a l’ artere splenique, qui est sectionnee au ras de son atterence creliaque. L. artere coronaire stomachique est egalement sectionnee, a moins qu’une artere hepatique gauche n’impose le prelevement de la totalise du pedicule de la petite courbure. Le tronc cceliaque est disse-tue jusqu’a son implantation aortique, apres section du ligament arque. La veine porte est prelevee en continuite avec un segment de veine mesenterique superieure, apres section de l’isthme pancreatique. Si le pancreas est aussi preleve, la veine porte est sectionnee a michemin entre le bord superieur du pancreas et sa bifurcation. Un segment aortique englobant l’ostium du tronc cceliaque ou les ostia du tronc cceliaque et de l’artere mesenterique superieure en cas d’artere hepatique droite est decoupe. La veine cave inferieure sous- hepatique est sectionnee au-dessus des veines renales. Au-dessus du foie, la veine cave interieure est prelevee avec une large collerette diaphragmatique. Le foie preleve, dispose dans une bassine contenant du liquide de conservation a 4 oc, est generalement relaye avec I litre de cette solution avant d’etre conditionne pour le transport.

Le prelevement pancreatique segmentaire est tres rapide. La section de l’isthme pancreatique clecouvre la jonction spleno-portale qui est decoupee en menageant un patch periostial. La preparation ulterieure comprendra la splenectomie et la fermeture de la tranche de section apres injection immediate ou ditferee de neoprene. La prevention des thromboses veineuses est assuree par la confection d’une fistule arterio- veineuse distale. Si le pancreas total est preleve, il faut, au lieu de sectionner l’isthme, agrafer le quatrieme duodenum et sectionner ensuite les vaisseaux mesenteriques supeneurs sous l’isthme du pancreas.

Le prelevement renal est simplifie par l’extraction prealable du foie et du pancreas. Le prelevement monobloc est le plus souvent pratique. La loge renale gauche est ouverte par decollement du colon gauche et incision du mesocolon gauche. Les deux ureteres sont sectionnes au niveau pelvien. L’aorte et la veine cave inferieure sont sectionnees entre les sites de canulation et les ligatures sousjacentes. Les deux reins et les deux ureteres sont souleves et le clivage se fait de bas en haut, pour ne pas leser les arteres renales parfois adherentes au plan posterieur. Le monobloc est examine sur table et les deux reins sont separes par section longitudinale des gros vaisseaux. 11 est possible de prelever et conditionner chaque rein separement apres reperage des ostia des arteres renales par voie endo-aortique et decoupe des collerettes correspondantes.

Les etapes finales permettent de prelever des ganglions mesenteriques et la rate (reservoirs de Iymphocytes pour les epreuves de compatibilite immunologique). Les deux arteres iliaques ainsi que les veines sont extraites. Les segments arteriels permettent la reunification du systeme arteriel hepatique ou pancreatique, ou autorisent une implantation aortique de l’artere hepatique du greffon lorsque celle du receveur est de mauvaise qualite. Les veines iliaques permettent un branchement de la veine porte du greffon sur la veine mesenterique supeneure du receveur en cas de thrombose de la veine porte ou un allongement de la veine porte parfois indispensable en cas de prelevement du pancreas. La fermeture parietale est particulierement soigneuse.

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2. Chez le donneur vivant

Les prelevements d’organes sur donneurs vivants non apparentes ne sont pas autorises en France. Seuls sont pris en consideration les donneurs apparentes, volontaires au sein de la proche famille du receveur. La loi Cavaillet no 76-1181 du 22 decembre 1976 precise les conditions juridiques du prelevement d’organes sur un donneur vivant apparente majeur ou mineur. Un individu majeur et sain d’esprit est libre de faire don de ses organes. 11 doit etre totalement informe par le medecin des risques qu’il encourt. Le consentement libre et eclaire du donneur doit etre recueilli devant le president du TribunaL de grande instance.

Quel que soit l’organe, I’intervention chez le donneur est precedee d’un bilan visant a s’assurer de l’absence d’incompatibilite ABO avec le receveur, de l’integrite anatomique et de la valeur fonctionnelle de l’organe qui sera preleve et de l’organe restant, de la realite du consentement et de l’etat psychique du donneur, de l’absence chez lui de maladie transmissible ou de facteur de risque operatoire. Les principales etapes du bilan sont: I’entretien entre medecin, donneur(s) potentiel(s) et receveur (si adulte); I’intenrogatoire et l’examen clinique; le groupe ABO, le typage HLA et le crossmatch; I’etude de la fonction renale ou hepatique; les serologies VIH, HBV, CMV, candidose, toxoplasmose, aspergillose; la radiographie de thorax; I’ECG; I’arteriographie renale ou crelio-mesenterique.

Dans le cas du rein, la bonne compatibilite tissulaire entre donneur et receveur, la qualite du greffon et la penurie actuelle en greffons peuvent justifier le prelevement d’organes chez un donneur vivant apparente. Plus recemment, le prelevement du lobe hepatique gauche a ete pratique pour greffe chez l’enfant. Le prelevement du pancreas caudal n’est de pratique courante que dans l’equipe de Minneapolis.

 PRELEVEMENT DU REIN

En France en 1990, 2,5 p. IOO des greffes renales ont ete realisees a partir de donneurs vivants. La technique est sensiblement identique a celle d’une nephrectomie classique. Le greffon est confie a l’equipe de transplantation pendant que s’acheve la fermeture de la plaie operatoire du donneur. Le prelevement renal peut etre egalement pratique par voie anterieure transperitoneale, interessante du côté droit du fait de la brievete de la veine renale. Les suites operatoires du donneur sont regulierement simples, autorisant la sortie au 7e jour.

 PRELEVEMENT DU LOBE GAUCHE HEPATIQUE

Avec l’amelioration spectaculaire de ses resultats, la transplantation hepatique est devenue une methode therapeutique proposee a un nombre croissant de patients presentant une hepatopathie irreversible. Dans le but de recuire encore le risque de deces des enfants en attente de transplantation, le prelevement du greffon hepatique chez le pere ou la mere, technique complementaire de l’utilisation de greffons de cadavre entiers ou partiels, s’est impose.

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PERSPECTIVES

Victime de son succes, la transplantation d’organes est en crise: I’inadequation entre le nombre des patients en attente et le nombre des organes preleves chez des patients en etat de mort cerebrale est manifeste. Faute de solutions alternatives, la proportion des patients qui vont mourir dans l’attente d’un organe salvateur ne cesse de s’accroitre. C’est ce contexte de penurie, associe au developpement fulgurant des nouvelles biotechnologies qui donne un second souffle a la recherche dans le domaine de la xenotransplantation, dont l’obstacle majeur reste encore le rejet. Lorsqu’une ressemblance genetique existe entre donneur et receveur (especes concordantes), les caracteristiques du rejet sont semblables a celles du rejet aigu d’allogrette, la reponse immune etant principalement de type cellulaire avec une reaction humorale moderee. Au contraire, les greffes entre especes eloignees (discordantes) sont a l’origine d’une reaction violente de type humoral aboutissant a la destruction rapide du greffon, du fait d’une Iyse des cellules endotheliales avec agregation plaquettaire et activation du systeme du complement et du systeme de la coagulation. Ces phenomenes presentent une forte similitude avec les rejets suraigus observes en transplantation clinique.

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BIBLIOGRAPHIE

  • 1. PALLIS C From braie death to braie stem death. Br Med 1, 1982, 285: 1487-1490.
  • 2 RoMANo P La mort cerebrale: definition et physiopathologie. In P Lang, D Houssin Le prelevement d’organes, Paris, Masson, 1992: 33-42.
  • 3. ROUGEMONT J, BARGE M, FRANKE J. Cerebral blood flow during increased subarachnoid pressure. Acta Neurochir, 1971, 25: 19-36.
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Immunogénétique de la transplantation

  • Auteur : D. CHARRON
  • Ouvrage: Traité de Médecine (3ème édition), éd. Flammarion
  • Date de publication: septembre 1996

Nous sommes conscients que cet article est relativement ancien; toutefois, il renferme des renseignements qui vous seront sans doute utiles; aussi l’avons-nous laissé en ligne. Par ailleurs, si vous disposiez d’articles plus récents sur le même sujet, n’hésitez pas à nous en faire part afin de demander leur autorisation à leurs auteurs pour une publication en ligne sur ce site



L’observation d’un contrôle genetique chez la souris de la prise ou du rejet de tumeurs greffees a conduit a la decouverte du CMH. Le systeme HLA, CMH de l’homme, est un ensemble de genes situes sur le bras court du chromosome 6, qui s’expriment principalement a la surface des cellules immunocompetentes sous la forme de glycoproteines transmembranaires. Les reactions allogeniques humorales et cellulaires survenant apres transfusion et transplantation ont permis de decouvrir la fonction physiologique principale de ces antigenes: le contr61e des reponses immunitaires contre les agents etrangers. Outre leur r61e essentiel en transplantation, leur interet medical est considerable car certains alleles du CMH conferent une susceptibilite ou une resistance genetique a de nombreuses pathologies, notamment auto-immures.

Le systeme HLA est le complexe genetique fonctionnel de l’homme le plus polymorphe, avec de nombreux loci exprimant pour la plupart de nombreux alleles (jusqu’à 8O). Cette diversite deja importante chez chaque individu est considerable au niveau de la population generale. Mis en evidence des 19S8 par des reactions serologiques d’ agglutination des globules blancs, puis par un test de microlymphocytotoxicite, le polymorphisme du systeme a ete disseque dans un premier temps grace aux approches classiques de la genetique, c’est-a-dire des etudes de segregation familiale et de repartition dans la population.

Deux classes principales d’antigenes ont ete decrites: les antigenes de classe I (HLA-A, B et C) presents sur la quasi-totalite des cellules de l’organisme et les antigenes HLA de classe II (HLA-DR, DQ et DP) restraints auxIymphocytes B, aux monocytes et macrophages. L’expression aberrante d’antigenes de classe 11 sur des cellules qui ne les expriment pas a l’etat physiologique est un des stigmates des etats auto-immune des rejets et des reactions du greffon contre l’hôte. Les molecules du systeme HLA de classe I et de classe 11 ont pour fonction principale de presenter les antigenes aux cellules T. Cette presentation est genetiquement << restreinte >> par le systeme HLA, et l’ensemble antigene peptide d’origine endogene ou exogene-molecule HLA (zone polymorphe) est reconnu par un recepteur specifique de la cellule T. 11 s’ensuit une activation T specifique. Les molecles HLA de classe I presentent un antigene peptidique originaire du cytosol de la cellule (proteine du soi ou proteine virale), avant d’etre transfere dans le reticulum endoplasmique. Les molecules HLA de classe 11 presentent des antigenes d’origine exogene localises dans les compartiments Iyso- endosomiaux apres leur endocytose. Les molecules accessoires (CD8 pour HLA classe 1, CD4 pour HLA classe 11) orientent la reponse immunitaire vers la cytotoxicite (cellules CTL CD8) ou la proliferation (cellules helper CD4), mais les mecanismes de reconnaissance et de restriction genetique sont identiques. La dichotomie classe I versus classe 11 a pu etre expliquee recemment, non par des differences structurales intrinseques des molecules HLA, mais par les voies intracellulaires -tutelles empruntent (exocytose pour les molecules de classe 1, endocytose pour les molecules de classe 11) et les partenaires antigeniques (peptides du soi et d’origine virale pour la premiere, peptides bacteriens et provenant de toxines pour la seconde) -tutelles rencontrent, chargent, transportent et vont presenter aux cellules T capables de reconnaitre leurs combinai sons specifiques .

Les reactions allogeniques au cours des greffes sont considerees comme des reponses antigeniques classiques ou l’allo-antigene devient lui- meme un antigene (seul ou associe a des peptides du soi) qui, reconnu comme << etranger >> sera responsable d’un rejet (CTL) ou d’une proliferation (GVH). Au cours des rejets, les Iymphocytes T cytotoxiques CD8 ami-classe I sont les effecteurs principaux, meme si des reponses cytotoxiques ami-classe 11 (CTL CD4) sont decelees. Dans la GVH, les reponses proliferatives CD4 anticlasse 11 predominent.

Les progres de la biochimie et de la biologie moleculaire permettent une vision precise tridimensionnelle du polymorphisme HLA et des interactions entre molecules HLA, peptides antigeniques et recepteurs T. L’obtention en 1987 de cristaux de molecules HLA de classe I de haute resolution, et plus recemment de cristaux de molecules HLA de classe 11, permet de localisertres precisement les regions, les acides amines et leurs chames laterales responsables des caracteristiques serologiques et fonctionnelles des molecules HLA.

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ORGANISATION GENETIQUE: LA REGION HLA

Definition de la region HLA

Region genetique qui s’oppose aux transplantations de tissus entre des individus de la meme espece, la region HLA (region H2 chez la souris) a ete initialement caracterisee par des methodes d’immunogénétique classique, serologiques et cellulaires. Deux grands ensembles ont ete definis: les antigenes HLA de classe I (HLA-A, B et C), responsables du rejet des allogreffes, et les antigenes HLA de classe 11, responsables des reactions Iymphocytaires mixtes (MLR) et du controle des reponses immunitaires a certains antigenes. Les recombinants naturels familiaux (chez l’homme) et les animaux recombinants (lignees congeniques) ont permis d’etablir les limites respectives de ces ensembles et leur organisation genetique, tres differente chez la souris, ou la region I (classe 11) est inseree entre les principaux genes de classe I (K et D, L), et chez l’homme, ou la region HLA-D (classe 11) est centromerique par rapport a la region des genes de classe 1. Les approches biochimiques ont ensuite revele les caracteristiques structurales des molecules HLA de classe I et 11, produits des genes respectifs qui ont ensuite ete clones, localises et sequences. Le sequen,cage de nombreux alleles des memes genes a permis d’etablir les bases structurales du polymorphisme.

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Polymorphisme HLA

Une des caracteristiques du systeme HLA est le nombre d’alleles que de nombreux loci peuvent exprimer. Ce polymorphisme est illustre depuis le premier antigene Mac decrit en 1958 par J. Dausset jusqu’à la nomenclature la plus recense (nomenclature HLA 1992). Son recensement est encore incomplet. Mis en evidence « race a des donnees serologiques et cellulaires, le polymorphisme est desormais etabli par l’étude de la variabilite de la sequence en acides amines (AA) (deduite de la sequence nucleotidique) des domaines des molecules HLA qui permet de caracteriser les nouveaux alleles et les regions les plus polymorphes des molecules HLA de classe I et 11. Certains alleles d’un locus sont associes preferentiellement avec des alleles specifiques d’un autre locus: liaisons entre les alleles de classe I et 11 (Al B8),entre des alleles de la region de classe 11 (DQA et DQB) ou entre classe I et classe 11 (B8-DR3). Ce phenomene appele << desequilibre de liaison >> reste inexplique et varie ainsi que la frequence des differents alleles selon et dans les differentes ethnies.

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Carte physique

Le clonage de la region HLA dans des cosmides contigus et chevauchants de 30 a SO Kb chacun et l’analyse de leur contenu ont ete recemment completes par l’obtention de l’integralite de la region HLA sous forme d’une banque de YAC (,veasr artificial chromosome), dont la sequence complete ne saurait tarder. La carte physique actuelle de la region HLA est representee sur la figure 81O-I. Sur le bras court du chromosome 6 (region 6 p 21.3) sont situees:

 la region de classe I, d’environ 2 OOO Kb, telomerique codant pour les chaires lourdes des molecules HLA de classe I (A- B-C) ainsi que pour d’autres genes (E. F, G et H) HLA classe I recemment decouverts;

 la region de classe II, d’environ I OOO Kb, centromerique codant pour les chaines A et B des molecules HLA de classe 11 et pour les nouveaux genes TAP (TAPI-TAP2) et LMP (LMP2 et LMP7) impliques dans la maturation et le trafic intracellulaire des molecules HLA de classe 1;

 ces deux regions sont separees par la region de classe 111 (SW a I OOO Kb), codant pour des composants du complement (C4 B7 C2) et de la 21 hydroxylase (21 OH). De nombreux autres genes, dont ceux du TNF et de la proteine de choc thermique Hsp 70, sont situes entre les regions de classe 111 et 1. Les genes HLA sont composes de sequences codantes (exons) separees par des regions non codantes (introns). L’organisation genomique en exons reflete celle de la structure proteique en domaines.


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Figure 810-1 Carte des gènes du complexe majeur d’histocompatibilité de l’homme. (D’après RD Campbell et J Trowsdale. Map of the human major histocompatibility complex, Immunol Today, 1993, 14 : 350-351, centerfold.)

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GENES ET MOLÉCULES HLA DE CLASSE I

HLA: A, B, C

La structure des AG HLA de classes I et 11 est representee dans la figure 81()-2. Ces antigenes transmembranaires sont composes: d’une chame glycoproteique de 4S kilodaltons (kDa) divisee en trois domaines extracellulaires correspondant aux 3 exons des genes de classe 1, d’une region transmembranaire et une region intracytoplasmique codees par 2 ou 3 exons et portant un site de phosphorylation. Le polymorphisme est limite a une ou plusieurs zones d’hypervariabilite dont la principale reside au niveau du domaine le plus externe. Cette chaine lourde glycosylee s’associe de maniere non covalente avec la ß2-microglobuline qui, elle, est monomorphe et codee par le chromosome IS. Le niveau d’expression de la ß2- microglobuline contr61e en partie celui de la chame lourde a la surface cellulaire, expliquant son accumulation intracytoplasmique dans les cellules qui ont un defaut de synthese de la ß2-microglobuline. L’association entre chame lourde et microglobuline ß2m a lieu tres precocement dans le reticulum endoplasmique. La structure tridimensionnelle de la partie extracytoplasmique des molecules de classe I est connue en detail. L’unite fonctionnelle composee des domaines al et a2 organises symetriquement forme une cavite, dont le fond est ferme par l’alignement antiparallele des feuillets plisses ß et les bords par deux structures a helicoidales. Le sequen,cage des genes de classe I associe au modele 3 D permet de localiser chaque AA (ou ensemble d’AA polymorphes) au niveau des helices a et des feuillets ß et d’etablir les bases structurales precises du polymorphisme. La nomenclature HLA 1992 denombre 41 alleles A, 61 alleles B et 18 alleles C. La variabilite est concentree au niveau des exons codant pour les domaines al a2 constitutifs du site de liaison du peptide et de la region de contact avec le TCR (CD3). Cette region delimite une cavite destinee a accueillir le (ou les) peptide(s) antigenique(s) d’origine cytosolique et charges dans cette cavite au niveau du reticulum endoplasmique. De la meme maniere, la ß2- microglobuline et le(s) peptide(s) participent au transport de la molecule HLA de classe I et a son expression a la surface cellulaire. Le passage transmembranaire des peptides cytosoliques vers le reticulum endoplasmique est assure en partie ou en totalise par des pompes dont les genes denommes TAPI et TAP2 sont codes par la region HLA de classe 11. Ils forment un canal transmembranaire qui permet un transfert plus ou moins selectif des peptides cytosoliques (peptides du soi) aux molecules HLA de classe 1.

HLA l: E, F, G, H

Des etudes au niveau genomique ont permis de detecter de nouveaux genes classe I appeles HLA-E, F. G, H et J (ou X). Le gene HLA-E est localise entre HLA-A et HLA-C. Des transcrits de ce gene sont trouves dans une grande variete de tissus et leur niveau d’expression, comme pour les genes HLA classe I classiques, peut etre augmente par traitement par l’interferon gamma. Mais l’expression stable d’une molecule HLA-E a la surface des cellules n’a pas ete clairement prouvee. Le gene HLA-E est le plus divergent au sein des genes HLA classe 1. Son polymorphisme est restreint, avec seulement 4 alleles decrits. Le gene HLA-F est le plus telomerique des genes HLA actuellement connus. La distribution tissulaire des transcrits semble recuite aux cellules T au repos et activees ainsi qu’aux cellules EBV. Mais l’expression membranaire de la molecule est peu probable. Le gene HLA-G, situe entre les genes HLA-F et HLA-A, est non polymorphique et code pour la chaine a de la molecule HLA-G exprimee a la surface des cellules cytotrophoblastiques au cours du premier trimestre de la grossesse. Cela suggere que les molecules HLA-G pourraient jouer un r61e protecteur contre les rejets et infections du placenta. Les genes HLA-H et J (ou X) sont des pseudogenes situes a proximite de HLA-A.

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Figure 810-2 Structure des AG HLA de classe I (a) et de classe II (b). (D’ apres A Carpentier et D Farge, Transplantation d’ organes, 1 992, Paris, Medecine-Sciences Flammarion.)

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GENES ET MOLECULES HLA DE CLASSE II

Les antigenes HLA de classe II sont des structures heterodimeriques comportant une chaine a et une chaine ß associees de maniere non covalente (voir figure81O-2). Toutes deux sont des glycoproteines transmembranaires de34 kDa et 28 kDa respectivement, qui s’associent pour former 3 isotypes principaux DRa-DRb, DQa-DQb, DPa-DPb.

La sous-region DR comporte un gene A monomorphe codant pour la chaine a des molecules HLA-DR et un ou plusieurs loci B en fonction des haplotypes. Ce polymorphisme haplotypique se manifeste par une organisation differente et un nombre variable de genes DRB sur un chromosome. Cinq groupes haplotypiques ont ete identifies. En plus de ce polymorphisme haplotypique, il existe un important polymorphisme allelique. L’ensemble des alleles actuellement connus est fixe par la nomenclature HLA (tableau 810-1) avec 62 alleles HLA-DRBI, 4 alleles DRB3, 1 allele DRB4, 4alleles DRBS, 14 alleles DQAI, 19 alleles DQBI, 8 alleles DPAI et 37 alleles DPBI. Comme pour les genes HLA classe I, le polymorphisme est concentre dans trois regions hypervariables qui sont pour les genes DR les nucleotides codant pour les AA en position 9-13, 26-33 et 67-74. Caracteristique deja signalee du systeme HLA, le desequilibre de liaison est marque entre les alleles DRB, DQA et DQB. En revanche, il existe tres peu de desequilibre de liaison entre les genes DR, DQ et DP. Les desequilibres de liaison ont ete bien etudies dans la population caucasoide et certaines associations alleliques sont specifiques d’une population. L’existence d’un desequilibre de liaison entraine une reduction du polymorphisme HLA et augmente dans une population donnee les chances de trouver des donneurs de moelle ou d’organes compatibles avec un receveur non apparente. II existe un polymorphisme supplementaire issu de l’association des chaires a et p des 2 haplotypes par transcomplementation, a l’ interieur d’ un isotype (DQ, voire DP). Ces molecules hybrides, decrites chez des sujets heterozygotes, sont generatrices d’un polymorphisme fonctionnel et sont le support moleculaire de nombreuses associations HLA et maladies.

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TECHNIQUES D’ETUDE DES ANTIGENES HLA

Typage serologique

La serologie a ete la base de la definition du systeme HLA et est encore utilisee dans la plupart des laboratoires. La serologie classique peut reveler de nouvelles specificites qui seront affirmees par les techniques de sequen,cage et aider a identifier des epitopes fonctionnels. Les anticorps monoclonaux contribuent a la serologie et certains sont deja utilises en routine. Des cellules transvectees et des animaux transgeniques sont utilisables pour rechercher et mieux caracteriser des serums, les anticorps obtenus par ces approches revelant de nouvelles specificites.

Les techniques serologiques, appliquees a l’etude du CMH, reposent sur l’aptitude des anticorps a reconnaitre des determinants allotypiques de ces molecules, a la surface cellulaire. La technique la plus utilisee est la microlymphocytotoxicite dependante du complement (Terasaki et McClelland, 1964). Le principe est le suivant: lorsqu’un anticorps reconnais un determinant antigenique a la membrane d’une cellule, denommee cible, la sequence du complement est activee au site de la reaction antigene/anticorps et aboutit a la Iyse de la cible.

La principale source d’anticorps anti-HLA provient de l’immunisation facto-maternelle, moins souvent de l’immunisation apres transfusion ou transplantation. Les ACMC (anticorps monoclonaux) sont de plus en plus utilises car specifiques des produits du CMH. Cette analyse serologique fine n’est possible que si le laboratoire possede un paner de reference, etudie avec des anticorps definis au cours des ateliers internationaux afin de contr61er les reactifs locaux par rapport a ceux definis internationalement.

Les techniques usuelles sont utilisees pour detecter les alleles de classe II. Les antigenes de classe II n’etant pas ubiquitaires, la microlymphocytotoxicite est realisee sur Iymphocytes B prealablement isoles.

Le crossmatch permet de rechercher par un test de Iymphocytotoxicite ou par cytometrie de flux la presence chez le receveur d’anticorps (notamment de type IgG) specifiques du donneur et susceptibles d’entrainer un rejet suraigu. La specificite anti-HLA classe I (testee sur cellules B et T) de ces anticorps est une contre-indication a la greffe, alors qu’une specificite anticlasse II (testee sur Iymphocytes B uniquement) serait moins deletere.

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Typage moleculaire

Les avantages decisifs des techniques de biologie moleculaire (etude directe des genes polymorphes avec une precision absolue, absence de limite a l’obtention de reactifs) ne sont encore applicables en routine qu’aux alleles HLA de classe II et le seront bientôt aux alleles HLA de classe I

Les techniques faisant appel a la biologie moleculaire reposent sur la connaissance du polymorphisme des sequences nucleotidiques de l’ADN des genes HLA. L ‘ amplification specifique d ‘ un fragment d’ ADN genomique est obtenue par reaction en chatne de la polymerase (PCR). Les alleles sont detectes a l’aide de sondes oligonucleotidiques specifiques (dot blot ou reverse dot blot) PCR-SSO ou d’enzymes de restriction PCR- RFLP pour HLA-DRB. La finesse du typage (typage generique 18 alleles versus typage specifique 45 alleles) depend de l’indication meme de celui-ci. Plus de IOO alleles sont definis au niveau des loci HLA classe II, mais certains d’entre eux sont moins frequents chez les Caucasiens.

L’etablissement d’une strategie de typage de routine depend de son but. typage de donneurs volontaires de moelle en vue de constituer un fichier national (typage generique automatise); recherche d’identité entre donneur et receveur en cas de greffe de moelle osseuse (typage complet) ou d’organes (typage generique); recherche d’une predisposition genetique dans le cadred’associations HLA et maladies (typage cible); etudes anthropologiques; medecine legale.

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ASPECTS CLINIQUES

Greffes de rein

L’importance de la compatibilite HLA dans le devenir des allogreffes renales est bien etablie. La survie a IO ans est d’environ 75 p. IOO chez les germains (freres et sceurs) HLA identiques et de plus de SO p. IOO si un seul haplotype est partage, comparee a une survie a lOans de 4Op.lOO pour les reins de cadavres. L’introduction de la ciclosporine a ameliore ces resultats, qui restent neanmoins meilleurs selon le degre de compatibilite. Les series alleliques A B ainsi que DR DQ sont impliquees dans ce phenomene.

Si la precision obtenue par le typage moleculaire va permettre une appreciation plus juste du r61e respectif des loci et alleles du CMH, la survenue d’episodes de rejet chez les germains HLA identiques reflete l’existence d’antigenes mineurs d’histocompatibilite. L’etablissement futur d’une hierarchie des incompatibilites devrait permettre de selectionner les moins immunogenes sur le plan fonctionnel.

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Autres transplantations d’organes

Le r61e benefique de la compatibilite HLA est demontre pour les transplantations de c_ur de pancreas et de cornee, meme si cette compatibilite n’entre pas encore dans les criteres de selection pour des raisons logistiques. Le r61e de la compatibilite HLA reste controverse en transplantation hepatique.

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Greffe de moelle

La moelle osseuse contient des cellules souches immunologiquement competentes, myeloides et Iymphoides, qui expliquent la survenue, a côté de la reaction de rejet decrite pour toute greffe d’organe, de reaction du greffon contre l’hôte (GVH). La GVH, due a l’activation des cellules T contenues dans la moelle du donneur et dirigees contre les antigenes majeurs ou mineurs d’histocompatibilite du receveur, comprend plusieurs etapes: reconnaissance des antigenes d’histocompatibilité du receveur par les cellules T du donneur, activation des cellules T du donneur et des cellules cibles du receveur, cytotoxicite cellulaire par l’intermediaire des Iymphokines secretees par les cellules B et T activees. La consequence finale de la GVH est la destruction des tissus cibles (kératinocytes, cellules glandulaires de l’intestin, cellules des canalicules biliaires du foie) avec un deficit immunitaire profond, responsable d infections parfois letales. Le risque de rejet augmente en cas de disparite HLA entre donneur et receveur. Un crossmatch serologique positif contre les cellules T ou B du donneur semble correle avec le rejet dans les greffes HLA incompatibles.

La GVH, letale dans 2O p. IOO des cas, explique les criteres de choix du donneur.

Le premier choix se portera sur une greffe syngenique a partir d’un jumeau monozygote. L’homozygotie peut etre affirmee par les methodes serologiques classiques, les techniques de culture mixte Iymphocytaire et de typage par biologie moleculaire. Lefingerprinting et le DNA crossmatch utilisant la technique des heteroduplexes de l’ADN, I’etude des minisatellites d’ADN permettent d’affirmer l’identite totale entre deux individus et semblent les methodes de choix pour affirmer la monozygotie. La greffe syngenique apparais ideale puisqu’elle ne s’accompagne ni de rejet ni de GVH. Par contre, dans les cas d’aplasie, certaines non-prises plaident pour l’origine auto-immune de la maladie. Ainsi, actuellement, entre un frere HLA genotypiquement identique et un jumeau, le choix pourra se porter sur le frere genotypiquement identique.

Chez l’animal comme chez l’homme, le donneur HLA genotypiquement identique est le meilleur possible, maigre la survenue de rejet et de GVH dans SO p. IOO des cas, responsables d’une mortalite de 20 p. IOO. Cela prouve qu’a côté du complexe majeur d’histocompatibilite existent d’autres systemes mineurs d’histocompatibilité qui ont un r61e important apres greffe de moelle allogenique.

Un donneurfamilial HLA phenotypiquement identique peut etre trouve parmi les freres et s_urs du patient, si les parents ont un haplotype commun, le plus souvent en cas de mariage consanguin. Les resultats sont equivalents a ceux des greffes apparentees genotypiquement HLA identiques.

Vu la taille des familles en France, seuls 3O p. IOO des patients pourront trouver a l’interieur de leur famille un donneur geno-identique et IO p. IOO un donneur pheno-identique. Pour les 6() p. IOO restants, des 1986 s’est cree en France un registre de donneurs volontaires pour trouver un donneur HLA phenotypiquement identique non apparente, registre connecte en 1992 a un fichier europeen.

Des greffes avec donneur apparente non HLA identique ont ete realisees a partir de donneurs intrafamiliaux avec un haplotype HLA identique alors qu’existait une incompatibilite sur un, deux ou trois antigenes (A, B, DR) sur l’autre haplotype. Dans les deficits immunitaires severes de l’enfant, I’augmentation du conditionnement, la depletion de la moelle en cellules T et l’utilisation d’anticorps monoclonal contre la molecule d’adhesion LFA-I donnent des resultats satisfaisants. Ces resultats ne sont pas observes dans les autres indications, I’incidence du rejet et de la GVH augmentant avec le nombre d’incompatibilités.

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PERSPECTIVES

Les progres rapides de nos connaissances sur le systeme HLA et son role en transplantation autorisent a predire, en ce qui concerne les typages HLA, la disparition progressive de la serologie en raison de sa complexite, de sa fiabilite et de sa reproductibilite relatives et de son coût au profit de la biologie moleculaire fiable, reproductible, automatisable. La serologie a l’aide d’anticorps monoclonaux, dont les reactifs sont specifiques et standardises, conservera une place dans les typages d’urgence. Le r61e des differents alleles et loci sera precise afin d’etablir la hierarchie des incompatibilites et de permettre un meilleur choix du couple donneur-receveur en augmentant le nombre de greffes compatibles. Outre les classiques antigenes HLA A,B,C et DR DQ DP, le systeme HLA comporte de nombreux autres genes (TAP, LMP, TNF…) impliques dans le contr61e des reponses immunes, dont les poids respectifs dans la stimulation allogenique constitueront un veritable index << immunogenetique >>. La connaissance de la structure et des interactions moleculaires entre les molecules HLA et leurs partenaires (TCR, pep tides, superantigenes) permettra le developpement de nouvelles methodes immunosuppressives specifiques (analogues de peptides bloquant la reponse immune) ou meme d’inducteurs de tolerance (anticorps monoclonaux).

La Bronchiolite des Greffés

  • Auteurs : A. DIDIER, Ph. CARRE Groupe de transplantation pulmonaire de Toulouse
  • Ouvrage: Traité de Médecine (3ème édition), éd. Flammarion
  • Date de publication: septembre 1996

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I. INTRODUCTION

En transplantation, la bronchiolite oblitérante est une pathologie observée dans 2 types de situation :

 la greffe de moëlle osseuse où elle est étroitement associée à la maladie du greffon contre l’hôte

 la transplantation pulmonaire (quelqu’en soit le type) où elle met en jeu le pronostic à long terme de l’organe transplanté.

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II. BRONCHIOLITE OBLITERANTE ET TRANSPLANTATION PULMONAIRE

A. Introduction

Initialement décrite avec les transplantations coeur-poumon, elle est en fait une complication potentielle de tous les types de transplantation pulmonaire (bipulmonaire, unipulmonaire, coeur-poumon). Bien que les chiffres divergents soient avancés par les différentes équipes, on peut estimer qu’elle touche 30 à 40 % des patients survivant au delà de la première année (1) et que dans plus de 50 % de ces cas, elle compromettra sérieusement le résultat de la transplantation. Son délai d’apparition est variable, généralement dans le courant de la 2ème année, mais des formes précoces, dès le 2ème ou le 3ème mois après la greffe, ont été rapportées.

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B. Aspects cliniques

Le début est généralement très insidieux marqué par l’apparition progressive d’une dyspnée d’effort, parfois associée à une toux alors que l’examen clinique et l’imagerie restent inchangés.

L’EFR est un élément primordial du diagnostic. Le profil évolutif fonctionnel respiratoire est bien connu (1, 2). Il est marqué par une altération précoce des boucles débits-volumes avec en particulier une diminution du DME 25-75 responsable d’un « creusement  » de la courbe débit-volume. La chute du VEMS n’est observée que plus tardivement et traduit à la fois la sévérité de l’atteinte distale et une atteinte des grosses voies aériennes. A ce stade, il peut exister chez certains malades soit une distension avec augmentation du VR soit au contraire un profil restrictif avec une diminution de la CPT sans distension associée (ces modifications sont souvent difficiles à interpréter, notamment chez les transplantés unipulmonaires en raison du rôle joué par le poumon natif). Lorsque le trouble ventilatoire est sévère, apparait une hypoxie franche généralement associée à une hypocapnie.

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C. Aspects anatomo-pathologiques

Les lésions observées se caractérisent par leur répartition irrégulière et par la coexistence datteintes bronchiolaires à des stades différents (3). La lumière des bronchioles est obstruée par un tissu inflammatoire, cellulaire ou fibreux selon le stade inflammatoire. Il s’y associe souvent des lésions parenchymateuses pumonaires caractérisées par un épaississement des cloisons alvéolaires lié à une infiltration cellulaire. Des infiltrats cellulaires lymphocytaires périvasculaires habituellement considérés (lorsque isolés) comme un critère de rejet aigu sont parfois associés. Enfin des lésions inflammatoires des grosses voies aériennes peuvent être notées.

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D. Critères diagnostiques

L’examen clinique et l’imagerie sont longtemps normaux, ce qui souligne l’intérêt de la détection des pertubations précoces de l’EFR. Malheureusement, bien que précédant souvent les signes cliniques, ces altérations minimes des boucles débits-volumes correspondent en fait à des lésions anatomo-pathologiques évoluées puisque l’on estime qu’au moins 2/3 des bronchioles doivent être touchés avant que le trouble obstructif ne s’exprime.

La preuve histologique est difficile à obtenir. Bien que certaines équipes aient rapporté un taux élevé de diagnostic par biopsies transbronchiques (4), cette technique apparait mal adaptée à l’étude du territoire bronchiolaire. Dans notre expérience, la fibroscopie bronchique avec prélèvements et biopsies transbronchiques est surtout utile pour éliminer une autre cause de détérioration de la fonction ventilatoire (rejet aigu, , infection).

La biopsie pulmonaire chirurgicale est la technique de référence mais pour des raisons évidentes, de nombreuses équipes hésitent à la pratiquer systématiquement chez ces patients.

En résumé, c’est souvent la conjonction de la réapparition de symptômes fonctionnels et d’un trouble obstructif ventilatoire sans cause identifiable qui fait poser le diagnostic de bronchiolite oblitérante.

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E. Physiopathologie

La physiopathologie de la bronchiolite est incomplètement connue mais elle fait vraisemblablement appel à des mécanismes intriqués. Le rôle du rejet chronique est étayé par le fait qu’il existe une relation entre le degré d’incompatibilité HLA et la fréquence de la bronchiolite. Il existe aussi une relation entre la fréquence des rejets aigus dans les premiers mois et le risque de survenue ultérieure de l’affection.

Le rôle des infections respiratoires virales est également évoqué. Certains virus à tropisme respiratoire sont impliqués dans la génèse des bronchiolites du sujet non transplanté, par ailleurs certaines infections virales du transplanté sont étroitement associées à l’apparition d’un rejet. D’autres facteurs : dénervation, trouble de la clearance mucocilaire, trouble de la revascularisation bronchique pourraient également jouer un rôle.

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F. Traitement et évolution

Le traitement actuel repose sur l’intensification de l’immunosuppression, en particulier de la corticothérapie. Les modalités précises de cette intensification sont variables selon les équipes. Dans 50 % des cas environ, cette intensification permet une stabilisation. Dans les autres cas, on assiste à une détérioration progressive qui s’effectue le plus souvent par paliers, aboutissant à une insuffisance respiratoire et pour certains à l’indication d’une retransplantation.

En fait, le véritable traitement se situe probablement en amont et découle d’une meilleure connaissance physiopathologique de la maladie aboutissant à un meilleur contrôle des épisodes de rejet aigu et des infections virales de ces patients.

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III. BRONCHIOLITE OBLITERANTE ET GREFFE DE MOELLE

La bronchiolite oblitérante touche environ 10 % des greffés de moëlle chez lequel il existe une maladie du greffon contre l’hôte chronique (GVH). Elle apparait environ 6 mois après le début de la GVH. Elle se caractérise, comme en transplantation pulmonaire, par le développement d’anomalies fonctionnelles sévères avec hypoxémie. Le mécanisme physiopathologique proposé fait appel à une réaction immunologique à médiation cellulaire dans laquelle l’épithélium bronchioliaire est la cible des T lymphocytes du donneur.

L’immunosuppression comprenant du méthotrexate semble augmenter la fréquence de cette complication (5). La réponse au traitement quelqu’il soit est généralement faible, voire nulle et le pronostic extrêmement sévère.

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IV. REFERENCES

  • 1 – THEODORE J, STARNES VA, LEWISTON NJ. : Obliterative Bronchiolitis.Clinics in Chest Medicine 1990, 11, 309-321.
  • 2 – WRIGHT JL, CAGLE P, CHURG A, COLBY JV, MYERS J. : Diseases of the small airways. Am Rev Respir Dis 1992, 146, 240-262.
  • 3 – FOURNIER M, GROUSSARD O, SLEIMAN C, MAL H et coll. : Bronchiolite oblitérante après transplantation pulmonaire. Presse Med 1992, 21, 816-820.
  • 4 – YOUSSEM S.A, PARADIS IL, DAUBER JA, GRIFFITH BP. : Efficacy of transbronchial lung biopsy in the diagnosis of bronchiolitis obliterans in heart-lung transplant recipients. Transplantation 1989, 47 : 893-5
  • 5 – EPLER GR. : Bronchiolitis obliterans and airways obstruction associated with graft versus host disease. Clin Chest Med 1988, 9 : 551-6.

Complications Infectieuses Après Transplantation

-*Auteurs : C. AMREIN ET D. FARGE

  • Ouvrage: Traité de Médecine (3ème édition), éd. Flammarion
  • Date de publication: septembre 1996

Nous sommes conscients que cet article est relativement ancien; toutefois, il renferme des renseignements qui vous seront sans doute utiles; aussi l’avons-nous laissé en ligne. Par ailleurs, si vous disposiez d’articles plus récents sur le même sujet, n’hésitez pas à nous en faire part afin de demander leur autorisation à leurs auteurs pour une publication en ligne sur ce site



Favorisée par l’immunodépression thérapeutique, l’infection reste la première cause de mortalité et de morbidité après greffe. Il faut distinguer : les infections à germes usuels dans les l0 à 30 jours après greffe, presque toutes bactériennes et peu spécifiques en dehors de leur gravité liée à l’immunosuppression profonde à ce stade, et les infections opportunistes qui surviennent, elles, à n’importe quel stade de l’évolution.

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INFECTIONS PRECOCES

Liées à des germes usuels, comme après toute chirurgie majeure, ces infections sont prévenues par une asepsie rigoureuse, une antibioprophylaxie périopératoire et l’ablation précoce de tout matériel invasif. Quelle que soit la greffe, les sites d’infection les plus fréquents sont le poumon, les voies urinaires et le site opératoire; les septicémies sont responsables d’une lourde mortalité, atteignant 20 à 50 p. l00 pour les bacilles à Gram négatif.

APRES TRANSPLANTATION RENALE

Les infections urinaires bactériennes, le plus souvent à bacilles à Gram négatif, sont les plus fréquentes. Volontiers asymptomatiques, elles justifient la pratique quotidienne d’un examen cytobactériologique des urines en postopératoire. Elles sont favorisées par des infections urinaires préopératoires, un sondage prolongé, une vessie atone ou des complications urologiques et sont fréquemment source de pyélonéphrites ou de septicémies. Leur traitement repose sur une antibiothérapie adaptée poursuivie l0 jours après stérilisation des urines en cas d’infection urinaire et 3 semaines au minimum en cas de pyélonéphrite.

Les infections du site opératoire ont une incidence de l à l0 p. l00 selon les séries. Les agents pathogènes les plus fréquemment rencontrés sont les staphylocoques, les entérocoques, les bacilles à Gram négatif et le Candida albicans. L’infection de paroi superficielle évolue favorablement sous antibiothérapie adaptée et traitement local. Les abcès périrénaux, les infections des anastomoses vasculaires (anévrismes mycotiques) et/ou urinaires sont gravissimes, entraînant la perte du greffon dans près de 70 p. l 00 des cas (voir chapitre 8l3). Le drainage de l’abcès est associé à une antibiothérapie adaptée prolongée. La prévention des infections de paroi justifie une brève antibioprophylaxie systématique, comportant généralement une céphalosporine de 2e génération ou une pénicilline.

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APRES TRANSPLANTATION CARDIAQUE

Les pneumopathies, en général à germe nosocomial, sont les infections les plus fréquentes, avec une lourde mortalité. Le plus souvent, il s’agit de bacilles à Gram négatif ou encore de Staphylococcus aureus, plus rarement d’anaérobies ou de Candida. Une fois les prélèvements trachéaux protégés et/ou la brosse de Wimberley avec LBA (lavage broncho- alvéolaire) effectués pour mettre en évidence le germe, une antibiothérapie probabiliste dirigée contre les bacilles à Gram négatif est instituée, associant diversement par voie parentérale bêtalactamine, fluoroquinolone et aminoside. Ce traitement est ensuite adapté aux résultats bactériologiques.

Les infections du site opératoire, sternites mais surtout médiastinites, le plus souvent à staphylocoques (70 p. l00 des cas)’ sont redoutables, avec une fréquence de 0,5 à 8 p. l00 des cas. Leurs facteurs de risque sont ceux de la chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle et l’immunosuppression. Le diagnostic est souvent difficile sous corticoïdes; le scanner permet l’analyse des collections rétrosternales, mais est peu contributif au stade précoce. La culture systématique des drains et des liquides de drains, des électrodes et de tout écoulement a beaucoup de valeur, de même que l’évolution de la CRP (C reactive protein). La ponction-aspiration de liquide rétrosternal à l’aiguille, d’indication large, permet de confirmer une suspicion diagnostique. La prévention de ces infections repose sur une antibioprophylaxie postopératoire, le plus souvent par céphalosporine de 2e génération. Leur traitement, long et difficile, associe une antibiothérapie double et bactéricide, de longue durée, à la chirurgie avec évacuation des collections purulentes et débridement de tous les tissus nécrotiques, puis irrigation-drainage à thorax fermé ou pansements pluri-quotidiens du médiastin laissé ouvert avec fermeture secondaire. La mortalité est le plus souvent liée à la dissémination du processus infectieux.

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APRES TRANSPLANTATION COEUR-POUMONS

Le thorax, et plus particulièrement les poumons transplantés, constituent la principale localisation des infections, responsables de 40 à 70 p. l 00 des décès. En effet, l’intubation du donneur favorise la colonisation des voies aériennes, et l’ouverture de la trachée pendant l’opération est une porte d’entrée infectieuse potentielle. Une atteinte du nerf récurrent facilite les pneumopathies de déglutition; l’existence d’hématomes médiastinaux ou pleuraux favorise l’infection. De plus, les mécanismes de défense du poumon transplanté sont altérés, avec diminution de la clairance bactérienne pulmonaire, des fonctions macrophagiques alvéolaires et du réflexe de toux. Toute infection menace l’anastomose trachéale et toute fuite peut être une porte d’entrée à l’infection médiastinale.

Les pneumopathies ont une fréquence de 35 à 42 p. l00 selon les séries. Elles sont avant tout bactériennes, liées aux bacilles à Gram négatif dans 75 p. l00 des cas, mais aussi à Staphylococcus aureus ou parfois plurimicrobiennes, ou à Candida albicans.

Le diagnostic peut être difficile car, précocement, infection et rejet ont la même symptomatologie clinique et radiologique; de plus, infection et rejet peuvent coexister.

Les suppurations bronchiques, très fréquentes, atteignent jusqu,à 90 p. l00 des patients. Les suppurations vraies, avec p1us de l0 leucocytes par champ, doivent être traitées par une antibiothérapie parentérale adaptée. Les agents responsables sont analogues à ceux des pneumopathies, et leur prévention passe par les mêmes mesures : kinésithérapie respiratoire intensive et antibioprophylaxie périopératoire comprenant une céphalosporine de 2e, voire de 3e génération.

Les médiastinites ont une fréquence élevée (l3 à 22 p. l00 des cas selon les séries) avec des agents pathogènes variables (Staphylococcus aureus en général ou bacille pyocyanique, mais également Candida albicans ou autres) et sont responsables de disséminations gravissimes. Le traitement, particulièrement difficile, associe antibiothérapie adaptée et reprise chirurgicale avec, si besoin, réfection de l’anastomose trachéale, traitement de la médiastinite et drainage des plèvres.

Le pyothorax est le plus souvent la conséquence d’une surinfection d’hématome intrapleural ou d’une désunion trachéale précoce. Son diagnostic est facile devant un écoulement purulent par les drains ou un épanchement pleural qui mène à la ponction pleurale exploratrice. Malgré l’antibiothérapie adaptée associée au traitement chirurgical comportant drainage de l’infection et réfection de l’anastomose trachéale, l’évolution est souvent mortelle.

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APRES TRANSPLANTATION MONO OU BIPULMONAIRE

Les complications infectieuses sont analogues par leur type et leur gravité à celles observées après transplantation cardio-pulmonaire.

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APRES TRANSPLANTATION HEPATIQUE

Les complications infectieuses, en particulier intra-abdominales et pulmonaires, se rencontrent dans 45 à 60 p. l 00 des cas. Les infections intra-abdominales sont liées avant tout à des bacilles à Gram négatif, mais aussi à des cocci à Gram positif, des anaérobies et des levures. L’abcès de paroi est de diagnostic facile; les abcès intra-abdominaux et les angiocholites sont les plus classiques; les abcès intrahépatiques ou une péritonite par lâchage de sutures bilio-digestives sont plus difficiles à diagnostiquer, d’autant que rejet, phénomènes ischémiques et infections ont des symptomatologies très proches et peuvent même coexister. l’agent pathogène est identifié par les hémocultures, les cultures de bile et des liquides de drainage; l’échographie abdominale et/ou le scanner recherchent un épanchement péritonéal, des collections intra-abdominales ou intra-hépatiques et analysent les voies biliaires. Une cholangiographie est réalisée à la moindre suspicion de fistule biliaire. À l’antibiothérapie adaptée s’associe la réparation chirurgicale d’une fuite biliaire ou le drainage d’une collection ou d’un abcès après repérage échographique. Ces infections peuvent être secondaires à des phénomènes ischémiques par thrombose de l’artère hépatique ou par dysfonction du greffon. Le seul traitement est alors la retransplantation. La prévention de ces complications repose sur la qualité des procédés chirurgicaux et sur une antibioprophylaxie essentiellement dirigée contre les bacilles à Gram négatif, associée à une décontamination digestive, et pouvant faire appel à l’amphotéricine B intraveineuse à 0,5 mg/kg/j pour diminuer les infections fungiques.

Les pneumopathies, le plus souvent nosocomiales, ne présentent pas de particularité diagnostique ou thérapeutique. Les septicémies surviennent dans 30 à 40 p. l00 des cas, le plus souvent à staphylocoques ou à bacilles à Gram négatif, mais les infections fungiques sont plus fréquentes et plus sévères que chez les autres transplantés.

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INFECTIONS OPPORTUNISTES

Passé le premier mois après greffe surviennent les infections opportunistes. Leur fréquence et leur nature varient selon l’épidémiologie locale et l’importance de l’immunosuppression reçue. Elles prédominent donc du ler au 6e mois après greffe, car l’immunodépression est plus importante et les rejets plus fréquents. En sus des agents infectieux proprement opportunistes – bactériens, viraux, fungiques et parasitaires – surviennent des infections usuelles communautaires, particulières par leur fréquence et leur gravité sur ces terrains immunodéprimés.

Infections bactériennes

 INFECTIONS A GERMES BANALS

Rapidement mises en évidence, elles constituent la majorité des infections après greffe. Elles surviennent à n’importe quel moment de l’évolution et sont en général de type communautaire, avec une grande prévalence d’Haemophilus influenzae et du pneumocoque, essentiellement responsables d’infections du tractus respiratoire et ORL. Par rapport à la population générale, le risque d’infection à pneumocoque est multiplié par 6 ou 7 après transplantation d’organe. Le vaccin polyvalent polysaccharidique pratiqué avant greffe, même chez des patients à l’état précaire, assurerait une protection efficace après la transplantation d’organe.

 INFECTIONS A LEGIONELLA

Elles surviennent avec une incidence de 3 à l4p.l00 après transplantation, quel que soit l’organe considéré. Les formes sévères sont en général de diagnostic aisé. La présence de signes digestifs et neurologiques au premier plan peut égarer le diagnostic. Mais bien souvent la présentation est aspécifique et le diagnostic repose sur la mise en évidence de Légionella dans le liquide de LBA ou dans les hémocultures. Le traitement repose sur l’association intraveineuse péfloxacine (800 mg/j) et spiramycine (l2 à l5 millions d’unités/j), cette dernière étant préférée à l’érythromycine qui interagit avec la ciclosporine. Sous traitement, l’amélioration clinique se fait généralement en 3 à 4 jours avec normalisation radiologique plus lente, en 2 semaines à plusieurs mois. L’évolution peut être péjorative avec syndrome de détresse respiratoire aiguë et insuffisance rénale aiguë, alors associée à une mortalité de 20 à 40 p. l00.

 INFECTIONS A LISTERIA MONOCYTOGENES

Bien que peu fréquentes, elles sont l’une des deux principales causes de méningo-encéphalite chez les transplantés d’organe. Le scanner ou la RMN aident au diagnostic d’encéphalite ou d’abcès cérébral. La ponction lombaire systématique permet parfois d’isoler le germe, qui est également recherché dans le sang. Le traitement classique, prescrit presque systématiquement en cas de méningite à liquide clair chez ces patients avant même les résultats bactériologiques, repose sur l’ampicilline pendant au moins 3 semaines, associée à un aminoside pendant 7 à l0 jours.

 INFECTIONS A MYCOBACTERIES

Tuberculeuses ou non, elles ont une incidence faible, quelle que soit la greffe considérée, touchant 0,5 à l,7 p. l00 des patients. Le poumon est l’organe cible, mais les infections extrapulmonaires, souvent disséminées, sont présentes dans plus de 50 p. l00 des cas. La symptomatologie clinique est non spécifique, avec des aspects radiologiques pulmonaires multiples : miliaire évocatrice, mais le plus souvent infiltrats peu représentatifs, plus rarement cavitations. Le diagnostic difficile doit être suspecté devant des tableaux radio-cliniques atypiques, non expliqués par d’autres agents pathogènes, et évoluant de façon insidieuse. Les mycobactéries sont recherchées dans les tubages gastriques, le sang (sur ISOLATOR), la moelle, le LBA, voire d’autres foyers (abcès). La réaction cutanée tuberculinique est en règle négative. L’isolement de mycobactéries atypiques peut témoigner seulement d’une colonisation, le diagnostic repose alors sur l’absence de M tuberculosis, des signes cliniques et radiologiques compatibles et l’isolement d’une souche de mycobactérie atypique à plusieurs reprises et en nombre élevé.

Le traitement associe alors isoniazide (INH)-éthambutol-pyrazinamide, car la rifampicine n’est pas employée à cause de ses interactions avec la ciclosporine et les corticoïdes; cette trithérapie est poursuivie au total l2 mois avec la surveillance habituelle. La prophylaxie antituberculeuse fait appel à l’INH poursuivi pendant un an chez les greffés qui présentent des antécédents évocateurs de tuberculose non traitée. Les mycobactéries atypiques résistent souvent aux antituberculeux classiques. Leur traitement curatif bénéficie actuellement de molécules plus actives: principalement clarythromycine et amikacine, mais également azythromycine, certaines fluoroquinolones, rifabutine, clofazimine. L’antibiothérapie est prolongée l2 mois au minimum. Les rechutes à 2-3 ans restent fréquentes, jusqu’à 27 p. l00 des cas.

 INFECTIONS A NOCARDIA

Elles sont rares et sans signe spécifique. Il faut savoir évoquer le diagnostic, plus volontiers entre le ler et le 6e mois après greffe, devant une pneumopathie atypique subaiguë associée à un abcès cutané et/ou cérébral. Le diagnostic repose sur l’examen bactériologique direct des expectorations, du LBA ou du pus des abcès, car les cultures usuelles des crachats et du sang sont exceptionnellement positives et les résultats des cultures sur milieux spéciaux nécessitent 4 à l4jours. La bithérapie triméthoprime-sulfaméthoxazole prolongée 3 mois au minimum, au mieux 6 à l2 mois selon le type et le nombre de localisations, et associée au drainage chirurgical des abcès, donne 80 à 95 p. l00 de succès clinique.

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Infections virales

 INFECTIONS À VIRUS HERPES SIMPLEX (HSV)

Leur fréquence est élevée, de 35 à 50 p. l 00 selon les séries. Elles sont, pour la plupart, liées à une réactivation du virus latent; la primo-infection est exceptionnelle et de rares cas de transmission du virus à partir du greffon ont été décrits. Les localisations cutanéo-muqueuses sont de loin les manifestations les plus fréquentes, aux alentours du l5-20e jour après la greffe, et les récurrences sont possibles. Le diagnostic est facile devant les lésions caractéristiques labiales et oropharyngées du VHS type I ou génitales du VHS type II. La kératite herpétique liée au VHS type I est peu commune. Rarement, l’infection est disséminée, associant diversement oesophagite, pneumopathie, méningo-encéphalite ou hépatite, avec ou sans localisations cutanéo-muqueuses, quel que soit le type I ou 1I du VHS ; ces formes graves ont une mortalité non négligeable. La recherche du virus est possible au niveau des lésions cutanéo- muqueuses, du LBA et des biopsies tissulaires, mais I’isolement dans le LCR est rare. La sérologie permet un diagnostic indirect, mais en cas de réactivation, elle ne montre qu’inconstamment une élévation du taux des anticorps. Le traitement repose sur l’aciclovir, per os ou en intraveineux selon l’étendue des lésions, pendant une durée minimale de l0jours à la posologie de l5 à 45 mg/kg/j, adaptée à la fonction rénale. Une prophylaxie par aciclovir est proposée en cas de récurrences multiples ou systématiquement par certaines équipes, notamment après greffe de moelle.

 INFECTIONS A VZV

Elles surviennent quelques mois après greffe, sous forme de varicelle (primo-infection), rare chez l’adulte mais fulminante, ou de zona (réactivation) dont l’incidence est de 3 à 26 p. l00 avec des récurrences ultérieures toujours possibles. La dissémination de l’infection, avec méningo-encéphalite ou pneumopathie hypoxémiante gravissimes, est rare. Le VZV est isolé dans les vésicules cutanées, le LBA ou les biopsies, alors que la sérologie est de peu d’appoint, sauf pour identifier les patients non immunisés, donc à risque. Le traitement repose sur l’aciclovir (30 mg/ kg/j IV) pendant un minimum de l0 jours, associé aux soins locaux et aux antalgiques et antidépresseurs en cas de zona. La prévention essentielle repose sur la vaccination de tout candidat à la greffe non immunisé et en cas d’exposition au virus sur l’aciclovir per os.

 INFECTIONS A CMV

Ce sont les infections virales les plus fréquentes après greffe, avec une incidence globale de 30 à 75 p. l00 selon les séries. L’immunodépression cellulaire induite par le CMV explique les fréquentes surinfections bactériennes, fungiques ou parasitaires associées. L’infection à CMV augmente la fréquence des rejets aigus, quel que soit l’organe transplanté, et semble favoriser les lésions de rejet chronique. La transmission du virus, à partir du greffon ou de produits sanguins, aboutit à une primoinfection ou à une réinfection par une nouvelle souche de CMV; le plus souvent, cependant, il s’agit d’une réactivation. L’infection survient classiquement l à 4 mois après greffe, mais des cas p1us précoces sont décrits. L’atteinte oculaire est plus tardive, après le 6e mois. Les formes asymptomatiques sont diagnostiquées moins par le suivi sérologique systématique que par la recherche de virus dans le sang (virémie, antigénémie, PCR). Trois formes cliniques symptomatiques sont schématiquement observées, responsables d’une mortalité globale de 25 p. 100 : syndrome viral isolé, forme localisée ne touchant qu’un seul organe et, enfin, forme disséminée grave avec atteinte pluriviscérale (pneumopathie, hépatite, atteinte du tractus gastrointestinal, voire pancréatite, plus rarement méningo-encéphalite ou polyradiculonévrite et, plus tardivement, choriorétinite). Biologiquement, une leucopénie avec lymphocytose est fréquente, associée parfois à une thrombopénie.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence des inclusions cytomégaliques à l’examen histologique des prélèvements pathologiques ou sur la positivité de la recherche du virus dans le sang ou un autre liquide biologique (culture rapide, antigénémie, PCR). Seule la positivation des IgM a de la valeur chez des patients séropositifs.

Le traitement par ganciclovir pendant l5 à 2l jours en dose d’attaque (l0 mg/kg/j), adaptée à la fonction rénale, permet la négativation des virémies dans 80 p. l00 des cas et la guérison des lésions viscérales dans 50 à 80 p. l00 des cas ; un traitement d’entretien est parfois nécessaire et, dans les choriorétinites, pendant 6 à 8 semaines à demi-dose. La toxicité du produit est hématologique, avec leucopénie fréquente et parfois thrombopénie ; cette toxicité peut être limitée par les dosages de ganciclovir afin d’éviter tout surdosage. Les immunoglobulines, anti-CMV ou non spécifiques, sont associées au ganciclovir au cours des pneumopathies à CMV. La gravité des infections à CMV souligne la nécessité d’utiliser des produits sanguins testés CMVnégatifs pour les receveurs séronégatifs ; de même, il convient de récuser un greffon CMV-positif pour un receveur séronégatif, attitude formelle en greffe pulmonaire, mais plus difficile à réaliser pour les autres organes.

 INFECTIONS A EBV

Après greffe ce sont le plus souvent des réactivations, car 90p.l00 de la population adulte est infectée à EBV. La fréquence des infections est de 25p.l00 en transplantation rénale, de 24 à 40p.l00 en transplantation hépatique et de 45p.l00 en transplantation cardiaque. Le diagnostic n’est possible que par un suivi sérologique régulier, qui différencie primo-infection, infection ancienne et réactivation, toutes le plus souvent asymptomatiques. Le virus peut également être détecté dans le sang ou les tissus par PCR. Ces infections sont directement associées à la survenue de lymphoprolifération et de lymphomes, et leur traitement sujet à controverses. Pour certains, l’aciclovir aurait une efficacité en cas de syndrome mononucléosique, voire de lymphoproliférations polyclonales. Le ganciclovir serait peut être plus actif, mais peu d’essais thérapeutiques ont été réalisés pour l’instant.

 HEPATITES VIRALES

Dues aux virus A, B, C, D et E, elles constituent une pathologie infectieuse hépatique fréquente. Les hépatites A et E sont habituellement bénignes et dénuées du risque de chronicité. Par contre, l’évolution des hépatites B, D et C peut être sévère chez l’immunodéprimé, avec passage fréquent à la chronicité et évolution vers la cirrhose, puis l’hépatocarcinome, d’où l’importance de la vaccination avant greffe.

 INFECTION A VIH

Elle évolue très rapidement chez les greffés, aboutissant au décès le plus souvent dans les 6 premiers mois, en général par complications infectieuses. Une sérologie VIH positive (donneur ou receveur) contre-indique toute greffe. Malgré la détection obligatoire des anticorps anti-VlH l et 2 pour tout don du sang ou d’organes, une trentaine de cas de séroconversion après transplantation d’organe sont rapportés en France depuis le début de l’épidémie. L’apparition des anticorps peut prendre jusqu’à 4 mois. Chez les donneurs, de même que chez les receveurs à risque, l’antigène viral (P24) peut être détecté par test ELISA. Le risque de transmission du VIH à partir du sang séronégatif, actuellement estimé à 10E-6 est majoré par les transfusions massives.

AUTRES INFECTIONS VIRALES Les Papillomavirus sont responsables des verrues communes, certes bénignes mais parfois gênantes par leur étendue. Certains virus ont un grand tropisme respiratoire; ce sont les adénovirus et les virus à ARN : virus influenza A et B, Para-influenza et virus respiratoire syncytial. Ces infections ne semblent ni plus frequentes ni plus graves que dans la population générale, mais la grippe (virus Influenza A) peut entraîner des pneumopathies sévères. La vaccination antigrippale est recommandée chez les transplantés d’organe, car efficace dans 70 p. l00 des cas.


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Vaccinations avant et après transplantation d’organe. (D’après A Carpentier et D Farge. Transplantations d’organes, Paris, Médecine-Sciences Flammarion, l992.)

 Vaccins à effectuer avant transplantation

  • Enfant DT Coq-Polio Varicelle Hépatite B
  • Adulte BCG Hépatite B+++

 Vaccins autorisés après transplantation

  • Virus inactivés Poliomyélite (injectable) Rage Grippe Hépatite B
  • Bactéries inactivées Coqueluche Typho.ïde et paratyphoïde A et B Choléra Leptospires Brucella
  • Anatoxines détoxifiées Diphtérie Tétanos
  • Vaccins polysaccharidiques Pneumocoque Méningocoque A et B

 Vaccins interdits après transplantation (vaccins vivants atténués)

  • Viraux: Rougeole Rubéole Oreillons Varicelle Poliomyé1ite (bucca1) Fièvre jaune (variole)
  • Bactériens: BCG

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Infections fungiques

Leur développement est favorisé avant tout par les traitements immunodépresseurs, mais aussi par les antibiothérapies à large spectre et prolongées et, en cas de transplantation hépatique, la chirurgie bilio-digestive.

 INFECTIONS A CANDIDA

Ce sont les plus fréquentes et les plus précoces. En transplantation d’organe, les candidoses restent le plus souvent localisées (bouche, tube digestif, appareil urinaire), mais elles peuvent être responsables d’infections disséminées gravissimes en période postgreffe immédiate. Ces candidoses invasives, problème majeur en transplantation hépatique, sont responsables d’une mortalité qui peut atteindre 70 p. l00 des cas. Les infections digestives sont essentiellement liées au C. albicans avec des aspects cliniques variables et sont sources de dissémination hématogène. Les candidoses cutanées bénignes, en général liées aux Candida non albicans, nécessitent un traitement local, voire général, prolongé afin d’éviter les récidives. Les candidoses invasives peuvent apparaître dès les premiers jours après transplantation hépatique ou pulmonaire. Leur pronostic reste sévère et les localisations viscérales secondaires (hépato-splénique, oculaire, cutanée, rénale, pulmonaire, cérébrale, cardiaque) sont associées à une lourde mortalité malgré un traitement adapté. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du Candida dans une hémoculture et/ou une localisation viscérale. Le traitement des candidoses digestives fait appel à une décontamination digestive prophylactique (nystatine ou amphotéricine B) et aux imidazoles (fluconazole), administrés per os et de facon prolongée pour éviter les récidives. Les candidoses disséminées nécessitent de l’amphotéricine B intraveineuse, éventuellement associée à la flucytosine ou au fluconazole selon la sensibilité du Candida en cause. La prophylaxie avec décontamination digestive par amphotéricine B orale et hygiène dentaire dès la période postgreffe est essentielle.

 INFECTIONS A ASPERGILLUS

Elles sont favorisées par l’immunodépression lourde (par corticoïdes surtout), une granulopénie importante et durable, une antibiothérapie à large spectre et la réalisation de travaux dans l’environnement du patient. Elles surviennent essentiellement lors des 6 premiers mois avec une incidence de 0,5 à l8p.l00 pour l’ensemble des greffes. La dissémination, à partir du foyer pulmonaire ou sinusien, est le plus souvent hématogène avec abcès cérébral révélé au scanner, mais aussi localisations cardiaque, hépatique, rénale, gastro-intestinale, osseuse ou cutanée. Le diagnostic de pneumopathie aspergillaire repose sur le LBA qui permet la mise en évidence des filaments (à l’examen direct ou en culture) dans 50 à l00 p. l00 des cas. L’isolement d’Aspergillus dans les crachats et/ou les prélèvements nasaux ne suffit pas au diagnostic, mais incite à réaliser un LBA. Les formes extra-pulmonaires sont de diagnostic beaucoup plus difficile, souvent tardif Les méthodes sérologiques et la recherche d’antigène aspergillaire sont très décevantes. La difficulté du diagnostic précoce rend compte en grande partie de l’évolution gravissime de l’infection, avec une mortalité de 90 p. l00 malgré un traitement adapté.

Le traitement des aspergilloses repose sur 2 agents antifungiques : l’amphotéricine B [5] et l’itraconazole. L’amphotéricine B en solution aqueuse est utilisée à la dose d’au moins l mg/kg/j en l’absence d’insuffisance rénale jusqu’à une dose cumulée de l’5 à 4 g ; afin d’améliorer son efficacité et de diminuer sa néphrotoxicité, différentes vectorisations de l’amphotéricine B dans des complexes lipidiques ou dans des liposomes sont utilisées. La faible toxicité générale et rénale de ces formulations permet des posologies quotidiennes de 5 mg/kg avec des doses cumulées de l5 g, voire plus. Ces posologies élevées sont vraisemblablement responsables de la meilleure efficacité. L’itraconazole a une bonne activité antifungique et une bonne diffusion tissulaire. Il peut être utilisé d’emblée ou en relais de l’amphotéricine B pendant 6 à l2 mois. Cette molécule n’est disponible que per os; son absorption est limitée par les antiacides, et il existe des interactions métaboliques avec la ciclosporine, dont elle élève le taux sanguin. La prévention est essentielle en période de lourde immunodépression par sprays nasaux et aérosols d’amphotéricine B et par le contrôle de l’environnement.

 INFECTIONS A CRYPTOCOCCUS NEOFORMANS

Elles représentent la 2e cause de méningo-encéphalite, après la listériose, chez le transplanté d’organe. L’infection survient en général à partir du 4e mois après la transplantation. D’autres localisations sont possibles, notamment cutanées, pouvant précéder l’atteinte neurologique. Le diagnostic repose sur la ponction lombaire avec examen direct sur coloration à l’encre de chine et recherche d’antigène. Le traitement précoce et prolongé pour éviter les récidives fait appel à l’amphotéricine B intraveineuse selon le protocole habituel d’administration. Le fluconazole, intraveineux puis per os’ à la posologie de 400 mg/j pendant 2 mois et de l00 à 200 mg/j pendant encore au moins 2 mois, est recommandé en relais de l’amphotéricine B. L’évolution de la méningite est en règle favorable, la dissémination de l’infection est par contre de très mauvais pronostic.

 CERTAINES INFECTIONS FUNGIQUES RARISSIMES

Elles ont pu être observées chez les greffés avec, malgré le traitement, une mortalité proche de l00p.l00: mucormycose, coccidioïdomycose, histoplasmose, infections à Pseudallescheria boydii ou à Fusarium. Le plus souvent, la contamination se fait par inhalation et l’infection se traduit par une pneumopathie avec dissémination secondaire; parfois, l’atteinte du système nerveux central est au premier plan. L’amphotéricine B reste le traitement de choix de ces infections, associée ou non à la flucytosine. Fluconazole et itraconazole ont été récemment utilisés avec un certain succès dans de rares cas.

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Infections parasitaires

Les infections parasitaires sont dominées par les pneumocystoses et les toxoplasmoses. D’autres parasitoses, plus rares, peuvent survenir chez tous les greffés ayant séjourné dans des zones d’endémie.

 INFECTION A PNEUMOCYSTIS CARlNII

Elle a une incidence nettement plus élevée après transplantation cardio-pulmonaire et pulmonaire, suggérant une fragilité particulière du greffon pulmonaire vis-à-vis de ce parasite. Elle survient en général de 3 à 6 mois après la greffe, quel que soit l’organe, avec des extrêmes de 20 jours à 5 ans.

L’aspect classique associe fébricule et dyspnée avec hypoxémie sévère, contrastant avec la clinique, et infiltrats radiologiques pulmonaires. Mais la symptomatologie peut être absente chez certains transplantés pulmonaires. Une co-infection avec d’autres agents pathogènes, notamment le CMV, est possible. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du parasite dans le LBA sous forme de kystes regroupés en oeufs de grenouille sur la coloration de Grocott. Malgré les différents traitements ou en cas de diagnostic tardif, la pneumopathie peut évoluer vers I’insuffisance respiratoire aiguë avec fibrose uItérieure. La mortalité oscille entre l0 et 35 p. l00 selon l’organe transplanté.

Le traitement curatif repose sur l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole (20 mg/kg de TMP et l00 mg/kg de SMX) adaptés à la fonction rénale, pour une durée de l4 à 2l jours. Les formes asymptomatiques peuvent évoIuer favorablement sous traitement oral uniquement : 2 comprimés parjour de TMP-SMX fort pendant 2 semaines. La progression des signes cliniques et radiologiques au 5e jour de traitement ou l’absence d’amélioration au 7e-l0e jour conduit à utiliser la pentamidine en association ou en remplacement du TMP-SMX. La prophylaxie par TMP-SMX est systématique chez les greffés pulmonaires et cardio-pulmonaires où elle diminue la sévérité de l’infection, qui touche encore l 2 p. l00 des patients. Sa durée et ses modalités varient selon les équipes.

 INFECTION A TOXOPLASMA GONDII

Elle a une incidence de l à l2 p. l00 chez les transplantés et peut être plus élevée en transplantation cardiaque. La primo-infection se fait après contamination par viande crue, contacts avec des chats infectés, ou à partir d’un donneur séropositif. Le plus souvent’ il s’agit d’une réactivation d’une infection latente et le traitement immunosuppresseur favorise l’éclatement des kystes et la diffusion des trophozoïtes. L’infection survient généralement entre le ler et le 4e mois postgreffe, mais il existe des formes plus tardives, au-delà de la première année. Elle peut être tout à fait asymptomatique et diagnostiquée par suivi sérologique régulier. Elle est le plus souvent sévère avec fièvre, atteinte neurologique, pulmonaire, hépatique, splénique, cardiaque, ophtalmologique. Les formes neurologiques réalisent des tableaux d’encéphalite, de méningo-encéphalite et de lésions expansives intracrâniennes. La toxoplasmose représente la 2e cause d’abcès intracrâniens chez le transplanté d’organe. En transplantation cardiaque, la pratique systématique de biopsies endomyocardiques peut révéler des kystes toxoplasmiques, mais aussi une myocardite avec présence de trophozoïtes; rejet et myocardite à T. gondii peuvent coexister. Dans ces formes aiguës le diagnostic repose sur la parasitémie et la visualisation des trophozoïtes. La sérologie s’effectue dans le sang et le LCR et est indispensable pour suivre l’évolution sous traitement. L’amélioration clinique et radiologique est en règle rapide (8 à l 5 jours) : les parasitémies restent longtemps positives après l’infection aiguë. Les formes disséminées, sévères, sont fréquemment mortelles.

Le traitement repose sur l’association de pyriméthamine et de sulfadiazine pendant 4 à 6 semaines avec supplémentation en acide folinique. La prophylaxie par TMP-SMX ou le plus souvent par pyriméthamine et sulfadiazine paraît indispensable chez les greffés séronégatifs, lorsque le donneur est séropositif.

 INFECTIONS A PARASITES PLUS RARES

L’anguillulose peut être gravissime, avec symptômes gastro-intestinaux marqués et atteinte pulmonaire évoluant vers la détresse respiratoire. Les larves peuvent largement disséminer vers le système nerveux central, le foie, le coeur, avec surinfections bactériennes fréquentes d’origine digestive, responsables de septicémies, de méningites. Le diagnostic est parfois difficile. L’hyperéosinophilie n’est pas fréquente, les larves sont plus souvent mises en évidence grâce aux biopsies duodénales, au LBA, à l’examen des selles, ou par le test de Baerman. Le pronostic reste mauvais (plus de 50 p. l00 de mortalité) malgré le traitement par thiabendazole à doses fortes et prolongées. Le traitement, avant tout préventif, doit être systématique avant greffe de tout patient ayant séjourné en zone d’endémie.

 La cryptosporidiose a été exceptionnellement observée chez les transplantés d’organe.

 Les infections à Gardia lamblia provoquent des diarrhées avec anorexie et perte de poids. Le trophozoïte est essentiellement mis en évidence par les biopsies de muqueuse jéjunale. Le traitement repose sur le métronidazole pendant l0 à l5jours.

 Quelques bilharzioses ont été décrites en transplantation d’organes. Le traitement par praziquantel doit être répété en fonction des contrôles parasitologiques, avec surveillance cardiaque et neurologique.

 La leishmaniose viscérale est exceptionnelle mais le parasite, malgré des traitements antérieurs, peut persister de nombreuses années dans l’organisme, et sa réactivation est favorisée par le traitement immunosuppresseur. La biopsie de moelle ou du foie peut visualiser le parasite, mais souvent seule la culture de moelle ou de peau est positive. En cas d’échec du traitement par glucantime, l’amphotéricine B liposomale peut être utilisée avec succès.

 Un paludisme pernicieux après séjour en zone d’endémie est possible, favorisé par l’immunodépression et par la fréquente résistance à la chimioprophylaxie. La transmission du paludisme par la transplantation d’organes n’a jamais été signalée.

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Traitements Immunosuppresseurs

  • Auteurs : D. FARGE ET Y. CALMUS
  • Ouvrage: Traité de Médecine (3ème édition), éd. Flammarion
  • Date de publication: septembre 1996

Nous sommes conscients que cet article est relativement ancien; toutefois, il renferme des renseignements qui vous seront sans doute utiles; aussi l’avons-nous laissé en ligne. Par ailleurs, si vous disposiez d’articles plus récents sur le même sujet, n’hésitez pas à nous en faire part afin de demander leur autorisation à leurs auteurs pour une publication en ligne sur ce site



Lors de la differenciation cellulaire et de l’expansion clonale induites par l’antigene, les cellules T CD4+ secretent differentes Iymphokines, notamment l’interleukine 2 (IL2), necessaires a 1’amplification de la reponse immune et a la proliferation des cellules effectrices. Les traitements immunosuppresseurs inhibent cette reaction et chaque agent utilise actuellement a une action predominante sur une des etapes de la reponse immune [1]. L’irradiation extracorporelle, utilisee lors des premieres transplantations renales, entrame une immunodepression totale non specifique, grevee d’une lourde mortalite. La 6-mercaptopurine (1961), en association avec les corticoi.des, a longtemps ete le traitement immunosuppresseur chimique de reference en transplantation d’organe. Puis les anticorps polyclonaux (197O), la ciclosporine (197 😉 et enfin les anticorps monoclonaux (198O), diriges contre des sous-populations Iymphocytaires, leurs recepteurs et/ou les cytokines, ont permis d’obtenir une immunosuppression plus specifique en diminuant morbidite et mortalite associees. Depuis 199O, de nouveaux medicaments immunosuppresseurs d’action elective et puissante sont apparus (FK SO6, mycophenolate, brequinar, rapamycine…) dont l’interet est en cours d’evaluation.

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AZATHIOPRINE (IMUREL®)

Analogue des bases puriques, I’azathioprine ou 6 (1-methyl-4-nitro-imidazole)-thiopurine, est un precurseur de la 6-mercaptopurine (6MP). Son activite immunosuppressive repose, apres transformation en 6MP, sur l’inhibition de la synthese des acides nucleiques. La 6MP est d’abord transformee, sous l’influence de l’hypoxanthine-guanine-phosphoribosyl-transférase, en un ribonucleotide, I’ acide thio-inosinique (T-IMP). Le T-IMP inhibe la synthese des purines de novo, I’interconversion purine-nucleotides et la synthese des acides nucleiques. L’action de l’azathioprine sur la reponse immune in vitro predomine sur les cellules T dont elle inhibe la proliferation. Elle diminue egalement la production d’IL2, le pool de cellules cytotoxiques NK et de monocytes. In vivo, aux doses therapeutiques, elle prolonge la survie des allogreffes sans modification des populations Iymphocytaires, des tests fonctionnels in vitro ou des concentrations d’anticorps preformes [2].

Pharmacocinetique L’absorption est rapide et presque totale avec transformation hepatique en 6-mercaptopurine rapide. Le catabolisme de la mercaptopurine aboutit aux nucleotides thiopuriques, metabolites actifs formes au niveau intracellulaire, dont la distribution semble homogene. L’elimination des metabolites inactifs est urinaire. L’insuff.isance renale ne modifie pas la pharmacocinetique. L’insuffisance hepatique diminue la biotransformation et l’action immunosuppressive de l’azathioprine.

Toxicite La toxicite medullaire necessite une surveillance reguliere de l’hémogramme. Leucopenie, plus rarement thrombopenie, anemie megaloblastique ou aplasie de la lignee rouge peuvent apparaître 7 a 14 jours apres le debut du traitement. L’azathioprine, par son effet carcinogene direct (alterations chromosomiques) et indirect (replication de virus oncogenes) augmente l’incidence des cancers. L’hepatotoxicite reste controversee. L’association azathioprine-allopurinol expose au risque de pancytopenie, voire d’agranulocytose algue, car l’allopurinol inhibe la xanthine-oxydase et diminue l’elimination de la mercaptopurine. L’azathioprine augmente la synthese et/ou l’activation de la prothrombine et donc les besoins en warfarine lors d’un traitement.

Indications L’azathioprine, par voie intraveineuse (Imuran_) puis per os (Imurel_), est associee aux cortico.ides en prophylaxie du rejet apres transplantation. II existe une synergie d’action avec la ciclosporine. La posologie de I a 3 mg/kg/j est adaptee a la tolerance hematologique et le traitement interrompu si les globules blancs sont inferieurs a 3500/mm3 ou les plaquettes a 50000/mm3.

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GLUCOCORTICOIDES

La cortisone a ete utilisee dans le traitement du rejet aigu apres transplantation renale des 196O. Les glucocorticoides synthetiques, dont l’action antiinflammatoire est multipliee par 4 a S par rapport aux glucocorticoides naturels avec un moindre effet mineralocorticoide, sont actuellement utilises.

Mode d’action Les glucocortico.ides se lient a un recepteur proteique intracellulaire et l’interaction du complexe forme avec l’ADN induit la synthese des proteines responsables de l’action des stero.ides. De plus, le complexe cortico.ides-recepteur inhibe certains facteurs transcriptionnels necessaires notamment a la production de cytokines, expliquant ainsi, au moins en partie, I’effet inhibiteur des corticoides sur la synthese d’lLI. Les glucocorticoides agissent sur le calcium ionophore et modifient les flux calciques transmembranaires. Cette action bloque la proliferation Iymphocytaire apres stimulation du recepteur CD3/Ti in vitro. L’action ami-inflammatoire n’est pas specifique. Les corticoides diminuent le chimiotactisme des polynucleaires neutrophiles et des monocytes, la maturation du monocyte en macrophage et l’activite phagocytaire. Ils retardent la cicatrisation en inhibant les fibroblastes et la formation de collagene. Les corticoides inhibent la proliferation des Iymphocytes T, diminuent la cooperation entre monocytes-macrophages et Iymphocytes et la liaison des facteurs du complement, de l’lgG et de l’IgE aux recepteurs des leucocytes. Ils inhibent la production d’lLI par les monocytes-macrophages et celle d’lL2 et d’interferon par les cellules T activees. Les cortico.ides inhibent ainsi les differentes etapes de la reponse immune: proliferation Iymphocytaire T IL I -et IL2-dependante, cytotoxicite (T et NK) interferon et IL2-dependantes et presentation des antigenes a la surface des monocytes-macrophage. Ils n’ont guere d’effet sur la reponse anticorps chez l’homme. Les cortico.ides ont un effet Iymphocytopeniant et monocytopeniant precoce (4 a 6 heures) et transitoire, par sequestration des Iymphocytes et diminution de la sortie des monocytes de la moelle. Les eosinophiles et basophiles diminuent. L’hyperleucocytose neutrophile persistante resulte de la demargination des leucocytes a partir de l’endothelium et d’une liberation acceleree des granulocytes de la moelle.

Pharmacocinetique Les glucocorticoides ont une resorption digestive de 80%. Dans le plasma, ils sont lies a la transcortine (80%) et a l’albumine (10%). Seule la fraction libre interagit avec les recepteurs cytosoliques. La cortisone et la prednisone ne sont actives qu’apres transformation hepatique respective en hydrocortisone et prednisolone. L’administration du compose actif est donc preferable en cas d’hépatopathie. L’elimination des metabolites inactifs est urinaire. Les effets secondaires nombreux sont majores par certaines interactions medicamenteuses.

Indications L’utilisation de l’azathioprine, de la ciclosporine et/ou de nouveaux immunosuppresseurs permet de diminuer les doses de corticoides necessaires et donc leurs effets secondaires. Les posologies, etablies de maniere empirique, sont initialement elevees (I a 1,5 mg/kg/j), puis diminuees progressivement pour atteindre la dose d’entretien de 10 a 15 mg/j [4]

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CICLOSPORINE (SANDIMMUN®, NEORAL®)

Extraite du champignon Tolypocladium inJlatum, la ciclosporine A represente une nouvelle classe d’agents immunosuppresseurs [3].

Mode d’action Ce polypeptide cyclique de 11 acides amines, tres hydrophobe, traverse la membrane cellulaire et se lie dans le cytosol a la ciclophiline, proteine de la famille des immunophilines, qui comporte egalement la FKBP (FK binding protein) liant le FK SO6 et la rapamycine. Le complexe ciclosporine-ciclophiline (comme le complexe FK SO6-FKBP) se lie a la calcineurine, une phosphatage calcium et calmoduline-dependante. La calcineurine, inhibee par le complexe ciclosporine-ciclophiline (et FK SO6-FKBP), devient incapable de dephosphoryler des substrats d’aval, tels que la proteine I-KB qui, par liaison au facteur transcriptionnel NF-KB, active la transcription du gene de l’IL2. La ciclosporine prolonge de maniere dose-dependante la survie des allogreffes en inhibant specifiquement la production d’lL2 par les Iymphocytes T CD4+ actives et donc la generation de Iymphocytes T cytotoxiques IL2-dependante, mais non 1’action des cellules T suppressives. Elle agit peu sur les Iymphocytes B.

Pharmacocinetique L’absorption de la ciclosporine est faible avec des variations inter- et infra-individuelles considerables et un pic sanguin entre 3 et 6 heures. Les facteurs limitant la concentration des acides biliaires dans la lumiere intestinale (drainage externe, retard de vidange gastrique, diarrhee, maladie intestinale, cholestase) limitent l’absorption. La ciclosporine est liee dans le sang aux globules rouges (60%) et aux leucocytes (10 à 20%), et dans le serum surtout aux lipoproteines. Le metabolisme hepatique repose sur un cytochrome P 45O (CP 45O-3) avec elimination biliaire des metabolites, dont l’activite immunosuppressive et toxique est faible. L’excretion de la ciclosporine est retardee en cas d’insuffisance hepatique ou de cholestase. L’insuffisance renale ne modifie pas lesconcentrations circulantes. La ciclosporine n’est pas hemodialysee. Elle traverse le placenta et passe dans le lait maternel.

Mode d’administration La ciclosporine est administree par voie intraveineuse en continu ( I a 3 mg/kg/j) ou orale en 2 ou 3 prises par jour (4 a 8 mg/kg/j) avec adaptation aux dosages sanguins. Toute modification posologique ne donne son plein effet qu’en 3 a S jours, apres 4 a S demi- vies. Le dosage de ciclosporine s’effectue sur sang total preleve sur EDTA avec mesure du taux residuel pret.eree a celle du pic, dont le celai est tres variable. La HPLC (chromatographie liquide a haute performance) reste la methode de reference. Les autres methodes (polarisation de fluorescence, radio-immunologiques, enzymatiques) comportent toutes un certain pourcentage de croisement entre la ciclosporine et les differents metabolites.

Effets secondaires L’utilisation actuelle de doses plus faibles de ciclosporine (2 a 6 mg/kg/j) a permis de recuire la gravite de la nephrotoxicite’ observee sous trois formes non exclusives [6, 8]. La nephrotoxicite algue est responsable d’une insuffisance renale reversible a la diminution ou a l’arret du medicament. Elle est declenchee ou aggravee par les ami-inflammatoires. L’insuffisance renale est de type prerenal, avec chute du flux sanguin renal, du debit de filtration glomerulaire et augmentation de la reabsorption proximale de sodium. Elle est associee a une vasoconstriction pre- et postglomerulaire, mediee par l’angiotensine II, le thromboxane A2, I’activite sympathique renale et/ou l’endotheline. La ciclosporine a une action toxique directe sur les cellules tubulaires proximales, ou les anticalciques ont un effet protecteur, et sur l’endothelium vasculaire.

Un tableau d’arteriolopathie proche du syndrome hemolytique et uremique avec hypertension arterielle, insuffisance renale, anemie hemolytique microangiopathique, schizocytose et thrombocytopenie peut survenir avec, sur la biopsie renale, des lestons vasculaires algues et des thromboses glomerulaires. La nephrotoxicite chronique apparais apres 6 a 12 mois de traitement. La degradation de la tonction renale, plus marquee au cours de la première annee, se stabilise secondairement. Histologiquement, les lestons associent fibrose interstitielle progressive et mutilante avec lestons hyalines des petites arteres et des arterioles, atrophie tuhulaire et sclerose glomerulaire.

L’apparition d’une hypertension arterielle de novo est tres frequente, directement liee a la nephrotoxite et a la vasoconstriction induites par la ciclosporine. L’he’patotoxicite’ dose-dependante s’observe presque exclusivement en cas de surdosage et se traduit par une cholestase qui retrocede apres reduction des doses. La neuroto.ricire se manifeste par la survenue, rare, de crises convulsives generalisees, toujours favorisees par l’existence de facteurs associes: encephalopathie preexistante, corticoides a fortes doses, troubles hydroelectrolytiques, hypomagnesemie, hypolipidemie, surdosage en ciclosporine. Elles peuvent etre associees a un debut focal, une cecite transitoire ou un syndrome confusionnel avec presence de lestons demyelinisantes de la substance blanche au scanner cerebral. L’atteinte peripherique associe tremblements, paresthesies, crampes. La ciclosporine augmente l’incidence de certains c.ancers: Iymphomes non hodgkiniens (20%), cancers spino-cellulaires, sarcome de Kaposi, autres sarcomes. L’hyperkaliemie est liee a la diminution de l’excretion urinaire du potassium. Le pool d’acide urique augmente par baisse de l’elimination urinaire, avec parfois crise de goutte. L’hypomagnesemie par augmentation de la clairance renale du Mg++ doit etre prevenue. L’hyperplasie gingivale et l’hypertrichose sont dose-dependantes et recuites pour des doses orales inferieures a 5 mg/kg/j.

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NOUVEAUX MEDICAMENTS IMMUNOSUPPRESSEURS

TACROLIMUS (FK 5O6) Ce macrolide, isole de Streptomyces tsukubaensis au Japon en 1983, est une molecule hydrophobe a puissante action immunosuppressive in vivo. In vitro, il inhibe l’activation des Iymphocytes T a des concentrations 10 a 100 fois plus faibles que la ciclosporine. Son mode d’action apparais similaire a la ciclosporine: il bloque la proliferation des Iymphocytes T dependante du calcium aux memes stades d’activation precoce. Le FK 506, tres mal absorbe avec une concentration maximale obtenue entre I et 4 heures, a une demi-vie de 8,7 heures, une clairance elevee et une large distribution. Le metabolisme repose sur le meme CP 450 que la ciclosporine. Les effets secondaires sont analogues a ceux de la ciclosporine. Les complications infectieuses, neurologiques, renales et Iymphomateuses sont plus frequentes, avec un effet diabetogene notable; mais l’hypertension arterielle est moins marquee que sous ciclosporine. Le FK 506 administre par voie intraveineuse (0,30 mg/kg/j en perfusion continue) puis per os (0,10 a 0,15 mg/kg/j) est efficace en prophylaxie du rejet de greffe. L’administration de FK 506 permettrait de recuire le nombre de rejets corticoresistants et le rejet chronique.

DÉOXYSPERGUALINE (15 DSG) Isolee en 1981 de Bacillus laterosporus et utilisee chez l’homme comme anticancereux, la DSG prolonge la survie des allogreffes. Elle supprime l’induction des Iymphocytes T cytotoxiques par un mecanisme different de la ciclosporine, mais synergique avec celle-ci. La DSG recuit la differenciation des cellules souches hématopoïétiques, contribuant a la pancytopenie peripherique observee a fortes doses. Les premiers essais chez l’homme montrent une efficacite dans le traitement curatif et prophylactique du rejet aigu renal avec des effets indesirables mineurs ne necessitant pas l’arret du traitement.

RAPAMYCINE Ce macrolide fungique, isole de Strepton7yces hygrosc opicus, a une structure proche du FK 506. In vitro, la rapamycine inhibe la proliferation des cellules T, mais cette action n’est pas limitee a la phase GO du cycle cellulaire, contrairement a celle, selective, de la ciclosporine. L’association ciclosporine et rapamycine apparaît synergique in vitro, mais ces resultats restent a analyser chez l’animal avant d’envisager l’administration chez l’homme.

MIZARIBINE (OU BREDININE) Ce nucleotide imidazole, largement utilise au Japon depuis 1982, a une action analogue a 1’azathioprine. Son activite immunosuppressive repose sur l’inhibition de la synthese des acides nucleiques.

MYCOPHÉNOLATE MOFÉTIL (RS-61443) Le RS-61443 inhibe puissamment l’IMPDH (inosine monophosphate deshydrogenase) et donc la synthese de novo des purines, mais non l’HGPRT (hypoxanthine-guanine phosphoribosyl-transferase), responsable de la voie de synthese << de sauvetage >> des purines. Les Iymphocytes dependent essentiellement de la synthese de novo et le mycophenolate a donc une certaine specilicile d’aclion sur ces cellules. II inhibe la proliferation Iymphocytaire et la production d’immunoglobulines, mais non la production d’lLI, IL2 ou d’lL2-R. Synergique avec la ciclosporine, le mycophenolate inhibe le rejet aigu d’allogreffe et previendrait le rejet chronique. II inhiberait egalement le rejet xenogenique. Sa toxicite s’exerce essentiellement sur la moelle osseuse et le systeme Iymphocytaire (anemie et Iymphopenie). Des doses de 400 mg a 5 g/j ont ete utilisees dans le traitement de la polyarthrite. Aucun effet secondaire notable n’est survenu jusqu’a 2g/j. Au-dela, fievre, rash cutane, nausee, vomissements, myalgies, arthralgies ont ete notes.

BREQUINAR SODIQUE Il inhibe la synthese de novo des bases pyrimidiques. 11 inhibe les reponses cellulaires et la production d’anticorps. II est synergique avec la ciclosporine. Efficace dans la prophylaxie du rejet d’allogreffe, il previendrait le rejet de xenogreffe et le rejet d’allogreffe chez des receveurs sensibilises. Sa toxicite s’exerce sur la moelle; diarrhee et rash sont possibles.

Les nouveaux immunosuppresseurs en cours d’evaluation sont caracterises par une activite immunosuppressive plus puissante que celle des precedents, leur conferant une plus grande capacite de prevention du rejet aigu et probablement du rejet chronique. Cependant les ns-tues infectieux et carcinogenes, proportionnels a l’effet immunosuppresseur, risquent d’etre augmentes du meme coup. L’ideal est de disposer d’un produit favorisant la tolerance et permettant de recuire, voire d’interrompre, a long terme, le traitement immunosuppresseur. Cet effet, partiellement realise par la ciclosporine. reste a demontrer pour les nouveaux immunosuppresseurs.

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SERUMS ANTILYMPHOCYTAIRES

Les serums antilymphocytaires d’origine animale (SAL) ont une action immunosuppressive puissante, utilisee en transplantation renale depuis 1967. Secondairement, la production de GAT (globulines antithymocytaires), plus actives et mieux tolerees (1978), a permis d’ameliorer 1’effet immunosuppresseur desire. Depuis lors, SAL et GAT sont utilises en prophylaxie du rejet et pour le traitement curatif des rejets resistants aux corticoïdes. Une seconde generation d’anticorps antilymphocytaires est apparue avec les anticorps monoclonaux, dont l’OKT3 (anti-CD3), utilise en traitement curatif du rejet, est le chef de file.

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A. Globulines antilymphocytaires polyclonales

La purete et l’efficacite des SAL et des GAT ne peuvent pas etre standardisees. La fraction IgG pur)fiee porte l’activite et contient des anticorps diriges contre les antigenes de surface des Iymphocytes T, B et des macrophages,assurant l’effet immunosupresseur, et contre la beta-2-microglobuline et les cellules endotheliales, responsables d’effets indesirables. Le mode d’action exact reste debattu. L’interruption initiale de la reaction de rejet semble lie e a l’elimination des cellules T. Une Iymphopenie precoce et parfois profonde s’observe apres les premieres injections, mais n’est pas indispensable a l’activite immunosuppressive. A l’arret du traitement, le nombre de cellules T circulantes augmente, mais leur reponse proliferative reste diminuee, probablement par une induction secondaire non specifique de cellules T suppressives.

Effets secondaires Frissons et reactions febriles (5 à 10%), erythème et prurit (1%) sont traites par les antipyretiques et les antihistaminiques. Des manifestations anaphylactoides (hypotension, urticaire, purpura), plus rares, imposent l’arret des perfusions. Une thrombopenie (30%) peut apparaître au 7ème-10ème jour et accompagner une maladie serique (4%) ou une hemolyse lices a l’apparition d’anticorps contre les proteines animales etrangeres. Elle necessite l’arret du traitement au-dessous de 50000 plaquettes/mm3.

Indications Les SAL sont utilises en prophylaxie du rejet. Apres transplantation renale, ils diminuent la frequence des episodes de rejet precoce et les doses de corticoïdes utilisees sous traitement conventionnel, mais ne modifient pas la survie du greffon a long terme. L’efficacite de la tritherapie (SAL + corticoides + azathioprine) n’est pas superieure a celle de la bitherapie ciclosporine/corticoïdes. L’utilisation des SAL ou GAT permet d’attendre la recuperation de la fonction renale avant d’introduire la ciclosporine et de recuire sa nephrotoxicite precoce. En transplantation cardiaque, SAL ou GAT prophylactiques augmentent la survie des patients. Malgre l’absence d’etu le randomisee, SAL et GAT sont aussi parfois utilises en prophylaxie du rejet apres transplantation hepatique et pancreatique. Ils sont egalement indiques dans le traitement du rejet aigu resistant aux corticoides, quel que soit l’organe transplante, avec une ef f’icacite de 80%. La notion d’allergie aux proteines animales (cheval, lapin) contre-indique l’utilisation du serum considere.

Les Iymphoglobulines de cheval (1 ampoule/10 kg) ou les thymoglobulines de lapin (1 a 2,5 mg/kg) sont utilisees en prophylaxie du rejet pendant 5 a 20 jours et en traitement curatif pendant 3 à 10 jours selon l’organe transplante. La numeration-formule sanguine doit etre surveillee pendant toute la duree du traitement. La numeration des Iymphocytes T circulants permet d’adapter la posologie en maintenant le nombre de cellules T masures (Cl 3) inferieur a 10% des valeurs pretherapeutiques.

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B. Anticorps monoclonaux

Les anticorps monoclonaux ont une homogeneite physico-chimique (classe, sous-classe) impossible a obtenir avec les globulines polyclonales. Differents anticorps monoclonaux ami-leucocytes humains, utilises initialement a visee purement diagnostique, sont a l’etude comme immunosupresseurs en transplantation.

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1. ANTICORPS ANTI-CD3 (ORTHOCLONE OKT3®) [9]

L’OKT3 est une IgG murine dirigee contre le recepteur CD3 exprime a la surface des cellules T masures humaines peripheriques (CD3+). In vivo, I’OKT3 entra-me une disparition des cellules CD3+ avec Iymphopenie. In vitro, il bloque la fonction effectrice des cellules T specifiques de l’antigene: le recepteur CD3 et le recepteur a l’antigene sont eelimines de fa,con temporaire par endocytose ou relargage dans le milieu environnant. L’OKT3 entraine par ailleurs un relargage massif de cytokines par activation des cellules T, responsable d’effets secondaires genants.

Pharmacocinetique Apres une injection intraveineuse de 5 mg, la concentration serique est maximale en 1 a 2 heures. Les cellules T circulantes (CD3+) disparaissent 20 a 60 minutes apres la premiere injection. Entre le 2e et le Se jour de traitement apparaissent des cellules T de phenotype CD + CD3- CD4+ et CD2+ CD3- CD8+, consecutives au phenomene de modulation antigenique et capables in vitro de reexprimer la molecule CD3 apres quelques heures. La reapparition de cellules CD3+ s’observe a 1’arret du traitement ou en cas d immunisation contre l’anticorps. Des anticorps circulants anti-OKT3 detectables par dosage ELISA apparaissent a partir du 10ème jour de traitement. Parmi eux, des anticorps anti-idiotypiques bloquent l’action de I’OKT3.

Effets secondaires Fievre, frissons, tremblements, diarrhee et/ou vomissements sont tres frequents lors de la premiere injection. Ces symptômes, lies a la liberation de cytokines, sont prevenus par les corticoides. Leucopenie, hypo- ou hypertension, hypoglycemie, cephalees et/ou meningo-encephalite aseptique sont plus rares (8% des cas). Le risque d’oedème pulmonaire en cas de surcharge volemique (prise de poids > 3%) est prevenu par une depletion adaptee avant l’injection. La frequence des infections virales, en particulier herpes et cytomegalovirus, augmente dans les 2 a 3 semaines suivant le traitement.

Indications L’OKT3 est indique dans le traitement curatif du rejet aigu d’allogreffe, avec reversibilite du rejet dans plus de 90% des cas. II est egalement indique pour traiter le rejet aigu resistant aux corticoides ou aux GAT avec une efficacite demontree en transplantation renale (70%), cardiaque (53%) et hepatique (78%). L’OKT3 en prophylaxie du rejet apres transplantation renale ou cardiaque n’apparait pas superieur aux globulines polyclonales.

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2. AUTRES ANTICORPS MONOCLONAUX

De nombreux anticorps monoclonaux murins diriges contre des recepteurs (IL2 R des Iymphocytes T actives, ICAM I des monocytes-macrophages et des cellules endotheliales, LFA I des Iymphocytes T, TNF des Iymphocytes T actives) et/ou des marqueurs des sous-populations Iymphocytaires (CD3/TCR des Iymphocytes T masures, CD5 des Iymphocytes T masures et des Iymphocytes B, CD7 des Iymphocytes T masures et des cellules NK, CD4 des Iymphocytes T helper, CD 45 des cellules dentritiques) font l’objet d’essais therapeutiques chez l’homme, mais leur diffusion reste limitee. L’utilisation associee ou sequentielle de plusieurs anticorps monoclonaux devrait permettre a l’avenir de definir des protocoles therapeutiques de plus en plus selectifs dans la modulation de la reponse immune. L’humanisation de ces anticorps monoclonaux murins permettra de recuire leur immunogenicite et donc le risque de neutralisation.

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BIBLIOGRAPHIE

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Sécheresse oculaire

  • Auteur: S. DEPLUS
  • Ouvrage: Traité de Médecine (3ème édition), éd. Flammarion
  • Date de publication: septembre 1996

Nous sommes conscients que cet article est relativement ancien; toutefois, il renferme des renseignements qui vous seront sans doute utiles; aussi l’avons-nous laissé en ligne. Par ailleurs, si vous disposiez d’articles plus récents sur le même sujet, n’hésitez pas à nous en faire part afin de demander leur autorisation à leurs auteurs pour une publication en ligne sur ce site



La sécheresse est l’une des complications courantes après greffe de moelle, qu’il faut savoir reconnaitre et éventuellement attribuer à une réaction du greffon contre l’hôte (GVH). Son traitement reste symptomatique et souvent insatisfaisant.

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Les signes cliniques de la sécheresse sont multiples

 L’inconfort est le maître symptôme; le patient signale une difficulté à ouvrir les yeux le matin, des douleurs brèves le réveillant la nuit ou déclenchées par de nombreux facteurs (fumée de cigarette, vent, froid, lumière vive ou phares, fatigue, effort de lecture…).

 La photophobie est quasi constante

 La sensation de sable, de corps étranger est banale

 Un larmoiement paradoxal accompagne souvent cette sécheresse et toute irritation, même minime, fait pleurer le patient

 Les yeux sont rouges, sales avec des sécrétions accumulées dans le canthus interne. Le regard est plus terne.

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Examen à la lampe à fente

Le film lacrymal moins brillant se déchire trop vite à la chaleur de la lampe (temps de rupture du film diminué). L’examen, douloureux, est facilité par l’installation de collyre anesthésique. Le test de Schirmer ne fait que confirmer l’impression clinique; l’utilisation des colorants est plus intéressante : la fluorescéine et le rose bengale illustrent les altérations de la surface conjonctivale et cornéenne. L’évolution peut être grave, marquée par des épisodes d’ulcération, de néovascularisation avec opacification de la cornée, voire perforation.

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Causes

La recherche étiologique est dominée par la crainte d’une GVH ; en effet, devant un tableau associant brûlures, yeux rouges et photophobie, les hypolacrymies iatrogènes (sédatifs, neuroleptiques, antispasmodiques… la liste est longue) sont assez facilement éliminées; une cause physique est évoquée chez un greffé en bulle stérile dont l’air est très sec ; une conjonctivite allergique s’accompagne volontiers d’une sécheresse, et dans les suites d’une conjonctivite virale le film lacrymal est perturbé ; on n’oubliera pas une cause diététique (amaigrissement, régime dissocié). Enfin, rappelons la toxicité de certaines chimiothérapies, bien connue (cyclophosphamide, méthotrexate, 5FU, etc.).

La GVH témoigne d’un conflit immunitaire systémique entre les Iymphocytes incompatibles du donneur et le tissu Iymphoïde du receveur; les lymphocytes prolifèrent et attaquent des cibles porteuses d’antigènes : ici la peau, les muqueuses et parfois l’uvée. Le choix immunologique du donneur est essentiel dans les greffes de moelle, important dans les transplantations d’organes comme le coeur, les poumons, le rein, moindre dans les greffes de foie et sans conséquence pour la cornée. Cette notion explique que les patients d’hématologie soient plus menacés et atteints dans 60 à 80 p. l00 des cas. La réaction peut être aiguë ou chronique.

Les signes oculaires de GVH aiguë se déclarent entre la 2e et la 4e semaine après la greffe : blépharite, conjonctivite et kératite. La blépharite n’est que la localisation palpébrale de l’épidermolyse bulleuse. La conjonctivite est de type membraneux avec une desépithélialisation complète de la muqueuse. L’évolution est favorable grâce au traitement général de la GVH et si la membrane se détache spontanément. Mais si elle est arrachée, lors de l’examen ou des soins, le contact direct de la conjonctive bulbaire et du derme tarsal mis à nu favorise leur accolement avec symblépharon et entropion. La destruction des glandes lacrymales accessoires logées dans la conjonctive entraîne une sécheresse. La kératopathie est la conséquence des perturbations du système de protection du globe : simple ponctuation superficielle, bulles épithéliales dont la rupture fait apparaître une plage ulcérée très douloureuse.

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Traitement

Le traitement est celui de la GVH : localement, il faut restaurer un film par des collyres ou pommades cicatrisants et lutter contre l’inflammation par des collyres anti-inflammatoires non stéroïdiens plutôt que par des corticoides.

La GVH chronique débute plus tard, au 3e mois postgreffe, car il s’agit de réactions d’hypersensibilité de type II et III. Les formes cliniques sont nombreuses, mais l’atteinte cutanéo-muqueuse est quasi constante : 90 à l00 p. l00. Le risque est de voir succéder à une phase érythémateuse et lichéniforme une atrophie. La peau est scléreuse et pigmentée; au niveau de la conjonctive, la muqueuse est décolorée et les glandes lacrymales accessoires détruites. La sécheresse est évidente.

Plus rarement, une uvéite antérieure discrète ou postérieure, à type de vascularite, témoigne du conflit immunitaire. Une myosite des muscles oculomoteurs a été signalée. Le traitement est général, immunosuppresseur. Localement en période érythémateuse, il faut tenter de juguler l’évolution vers une atrophie par un traitement cicatrisant et anti-inflammatoire. Plus tard, un traitement substitutif est proposé : larmes artificielles à la demande, gels d’action plus prolongée, obturation des canaux lacrymaux par des clous. 1l est évident que cet état favorise les surinfections et des complications trophiques de la cornée.