Traitements Immunosuppresseurs

  • Auteurs : D. FARGE ET Y. CALMUS
  • Ouvrage: Traité de Médecine (3ème édition), éd. Flammarion
  • Date de publication: septembre 1996

Nous sommes conscients que cet article est relativement ancien; toutefois, il renferme des renseignements qui vous seront sans doute utiles; aussi l’avons-nous laissé en ligne. Par ailleurs, si vous disposiez d’articles plus récents sur le même sujet, n’hésitez pas à nous en faire part afin de demander leur autorisation à leurs auteurs pour une publication en ligne sur ce site



Lors de la differenciation cellulaire et de l’expansion clonale induites par l’antigene, les cellules T CD4+ secretent differentes Iymphokines, notamment l’interleukine 2 (IL2), necessaires a 1’amplification de la reponse immune et a la proliferation des cellules effectrices. Les traitements immunosuppresseurs inhibent cette reaction et chaque agent utilise actuellement a une action predominante sur une des etapes de la reponse immune [1]. L’irradiation extracorporelle, utilisee lors des premieres transplantations renales, entrame une immunodepression totale non specifique, grevee d’une lourde mortalite. La 6-mercaptopurine (1961), en association avec les corticoi.des, a longtemps ete le traitement immunosuppresseur chimique de reference en transplantation d’organe. Puis les anticorps polyclonaux (197O), la ciclosporine (197 😉 et enfin les anticorps monoclonaux (198O), diriges contre des sous-populations Iymphocytaires, leurs recepteurs et/ou les cytokines, ont permis d’obtenir une immunosuppression plus specifique en diminuant morbidite et mortalite associees. Depuis 199O, de nouveaux medicaments immunosuppresseurs d’action elective et puissante sont apparus (FK SO6, mycophenolate, brequinar, rapamycine…) dont l’interet est en cours d’evaluation.

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AZATHIOPRINE (IMUREL®)

Analogue des bases puriques, I’azathioprine ou 6 (1-methyl-4-nitro-imidazole)-thiopurine, est un precurseur de la 6-mercaptopurine (6MP). Son activite immunosuppressive repose, apres transformation en 6MP, sur l’inhibition de la synthese des acides nucleiques. La 6MP est d’abord transformee, sous l’influence de l’hypoxanthine-guanine-phosphoribosyl-transférase, en un ribonucleotide, I’ acide thio-inosinique (T-IMP). Le T-IMP inhibe la synthese des purines de novo, I’interconversion purine-nucleotides et la synthese des acides nucleiques. L’action de l’azathioprine sur la reponse immune in vitro predomine sur les cellules T dont elle inhibe la proliferation. Elle diminue egalement la production d’IL2, le pool de cellules cytotoxiques NK et de monocytes. In vivo, aux doses therapeutiques, elle prolonge la survie des allogreffes sans modification des populations Iymphocytaires, des tests fonctionnels in vitro ou des concentrations d’anticorps preformes [2].

Pharmacocinetique L’absorption est rapide et presque totale avec transformation hepatique en 6-mercaptopurine rapide. Le catabolisme de la mercaptopurine aboutit aux nucleotides thiopuriques, metabolites actifs formes au niveau intracellulaire, dont la distribution semble homogene. L’elimination des metabolites inactifs est urinaire. L’insuff.isance renale ne modifie pas la pharmacocinetique. L’insuffisance hepatique diminue la biotransformation et l’action immunosuppressive de l’azathioprine.

Toxicite La toxicite medullaire necessite une surveillance reguliere de l’hémogramme. Leucopenie, plus rarement thrombopenie, anemie megaloblastique ou aplasie de la lignee rouge peuvent apparaître 7 a 14 jours apres le debut du traitement. L’azathioprine, par son effet carcinogene direct (alterations chromosomiques) et indirect (replication de virus oncogenes) augmente l’incidence des cancers. L’hepatotoxicite reste controversee. L’association azathioprine-allopurinol expose au risque de pancytopenie, voire d’agranulocytose algue, car l’allopurinol inhibe la xanthine-oxydase et diminue l’elimination de la mercaptopurine. L’azathioprine augmente la synthese et/ou l’activation de la prothrombine et donc les besoins en warfarine lors d’un traitement.

Indications L’azathioprine, par voie intraveineuse (Imuran_) puis per os (Imurel_), est associee aux cortico.ides en prophylaxie du rejet apres transplantation. II existe une synergie d’action avec la ciclosporine. La posologie de I a 3 mg/kg/j est adaptee a la tolerance hematologique et le traitement interrompu si les globules blancs sont inferieurs a 3500/mm3 ou les plaquettes a 50000/mm3.

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GLUCOCORTICOIDES

La cortisone a ete utilisee dans le traitement du rejet aigu apres transplantation renale des 196O. Les glucocorticoides synthetiques, dont l’action antiinflammatoire est multipliee par 4 a S par rapport aux glucocorticoides naturels avec un moindre effet mineralocorticoide, sont actuellement utilises.

Mode d’action Les glucocortico.ides se lient a un recepteur proteique intracellulaire et l’interaction du complexe forme avec l’ADN induit la synthese des proteines responsables de l’action des stero.ides. De plus, le complexe cortico.ides-recepteur inhibe certains facteurs transcriptionnels necessaires notamment a la production de cytokines, expliquant ainsi, au moins en partie, I’effet inhibiteur des corticoides sur la synthese d’lLI. Les glucocorticoides agissent sur le calcium ionophore et modifient les flux calciques transmembranaires. Cette action bloque la proliferation Iymphocytaire apres stimulation du recepteur CD3/Ti in vitro. L’action ami-inflammatoire n’est pas specifique. Les corticoides diminuent le chimiotactisme des polynucleaires neutrophiles et des monocytes, la maturation du monocyte en macrophage et l’activite phagocytaire. Ils retardent la cicatrisation en inhibant les fibroblastes et la formation de collagene. Les corticoides inhibent la proliferation des Iymphocytes T, diminuent la cooperation entre monocytes-macrophages et Iymphocytes et la liaison des facteurs du complement, de l’lgG et de l’IgE aux recepteurs des leucocytes. Ils inhibent la production d’lLI par les monocytes-macrophages et celle d’lL2 et d’interferon par les cellules T activees. Les cortico.ides inhibent ainsi les differentes etapes de la reponse immune: proliferation Iymphocytaire T IL I -et IL2-dependante, cytotoxicite (T et NK) interferon et IL2-dependantes et presentation des antigenes a la surface des monocytes-macrophage. Ils n’ont guere d’effet sur la reponse anticorps chez l’homme. Les cortico.ides ont un effet Iymphocytopeniant et monocytopeniant precoce (4 a 6 heures) et transitoire, par sequestration des Iymphocytes et diminution de la sortie des monocytes de la moelle. Les eosinophiles et basophiles diminuent. L’hyperleucocytose neutrophile persistante resulte de la demargination des leucocytes a partir de l’endothelium et d’une liberation acceleree des granulocytes de la moelle.

Pharmacocinetique Les glucocorticoides ont une resorption digestive de 80%. Dans le plasma, ils sont lies a la transcortine (80%) et a l’albumine (10%). Seule la fraction libre interagit avec les recepteurs cytosoliques. La cortisone et la prednisone ne sont actives qu’apres transformation hepatique respective en hydrocortisone et prednisolone. L’administration du compose actif est donc preferable en cas d’hépatopathie. L’elimination des metabolites inactifs est urinaire. Les effets secondaires nombreux sont majores par certaines interactions medicamenteuses.

Indications L’utilisation de l’azathioprine, de la ciclosporine et/ou de nouveaux immunosuppresseurs permet de diminuer les doses de corticoides necessaires et donc leurs effets secondaires. Les posologies, etablies de maniere empirique, sont initialement elevees (I a 1,5 mg/kg/j), puis diminuees progressivement pour atteindre la dose d’entretien de 10 a 15 mg/j [4]

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CICLOSPORINE (SANDIMMUN®, NEORAL®)

Extraite du champignon Tolypocladium inJlatum, la ciclosporine A represente une nouvelle classe d’agents immunosuppresseurs [3].

Mode d’action Ce polypeptide cyclique de 11 acides amines, tres hydrophobe, traverse la membrane cellulaire et se lie dans le cytosol a la ciclophiline, proteine de la famille des immunophilines, qui comporte egalement la FKBP (FK binding protein) liant le FK SO6 et la rapamycine. Le complexe ciclosporine-ciclophiline (comme le complexe FK SO6-FKBP) se lie a la calcineurine, une phosphatage calcium et calmoduline-dependante. La calcineurine, inhibee par le complexe ciclosporine-ciclophiline (et FK SO6-FKBP), devient incapable de dephosphoryler des substrats d’aval, tels que la proteine I-KB qui, par liaison au facteur transcriptionnel NF-KB, active la transcription du gene de l’IL2. La ciclosporine prolonge de maniere dose-dependante la survie des allogreffes en inhibant specifiquement la production d’lL2 par les Iymphocytes T CD4+ actives et donc la generation de Iymphocytes T cytotoxiques IL2-dependante, mais non 1’action des cellules T suppressives. Elle agit peu sur les Iymphocytes B.

Pharmacocinetique L’absorption de la ciclosporine est faible avec des variations inter- et infra-individuelles considerables et un pic sanguin entre 3 et 6 heures. Les facteurs limitant la concentration des acides biliaires dans la lumiere intestinale (drainage externe, retard de vidange gastrique, diarrhee, maladie intestinale, cholestase) limitent l’absorption. La ciclosporine est liee dans le sang aux globules rouges (60%) et aux leucocytes (10 à 20%), et dans le serum surtout aux lipoproteines. Le metabolisme hepatique repose sur un cytochrome P 45O (CP 45O-3) avec elimination biliaire des metabolites, dont l’activite immunosuppressive et toxique est faible. L’excretion de la ciclosporine est retardee en cas d’insuffisance hepatique ou de cholestase. L’insuffisance renale ne modifie pas lesconcentrations circulantes. La ciclosporine n’est pas hemodialysee. Elle traverse le placenta et passe dans le lait maternel.

Mode d’administration La ciclosporine est administree par voie intraveineuse en continu ( I a 3 mg/kg/j) ou orale en 2 ou 3 prises par jour (4 a 8 mg/kg/j) avec adaptation aux dosages sanguins. Toute modification posologique ne donne son plein effet qu’en 3 a S jours, apres 4 a S demi- vies. Le dosage de ciclosporine s’effectue sur sang total preleve sur EDTA avec mesure du taux residuel pret.eree a celle du pic, dont le celai est tres variable. La HPLC (chromatographie liquide a haute performance) reste la methode de reference. Les autres methodes (polarisation de fluorescence, radio-immunologiques, enzymatiques) comportent toutes un certain pourcentage de croisement entre la ciclosporine et les differents metabolites.

Effets secondaires L’utilisation actuelle de doses plus faibles de ciclosporine (2 a 6 mg/kg/j) a permis de recuire la gravite de la nephrotoxicite’ observee sous trois formes non exclusives [6, 8]. La nephrotoxicite algue est responsable d’une insuffisance renale reversible a la diminution ou a l’arret du medicament. Elle est declenchee ou aggravee par les ami-inflammatoires. L’insuffisance renale est de type prerenal, avec chute du flux sanguin renal, du debit de filtration glomerulaire et augmentation de la reabsorption proximale de sodium. Elle est associee a une vasoconstriction pre- et postglomerulaire, mediee par l’angiotensine II, le thromboxane A2, I’activite sympathique renale et/ou l’endotheline. La ciclosporine a une action toxique directe sur les cellules tubulaires proximales, ou les anticalciques ont un effet protecteur, et sur l’endothelium vasculaire.

Un tableau d’arteriolopathie proche du syndrome hemolytique et uremique avec hypertension arterielle, insuffisance renale, anemie hemolytique microangiopathique, schizocytose et thrombocytopenie peut survenir avec, sur la biopsie renale, des lestons vasculaires algues et des thromboses glomerulaires. La nephrotoxicite chronique apparais apres 6 a 12 mois de traitement. La degradation de la tonction renale, plus marquee au cours de la première annee, se stabilise secondairement. Histologiquement, les lestons associent fibrose interstitielle progressive et mutilante avec lestons hyalines des petites arteres et des arterioles, atrophie tuhulaire et sclerose glomerulaire.

L’apparition d’une hypertension arterielle de novo est tres frequente, directement liee a la nephrotoxite et a la vasoconstriction induites par la ciclosporine. L’he’patotoxicite’ dose-dependante s’observe presque exclusivement en cas de surdosage et se traduit par une cholestase qui retrocede apres reduction des doses. La neuroto.ricire se manifeste par la survenue, rare, de crises convulsives generalisees, toujours favorisees par l’existence de facteurs associes: encephalopathie preexistante, corticoides a fortes doses, troubles hydroelectrolytiques, hypomagnesemie, hypolipidemie, surdosage en ciclosporine. Elles peuvent etre associees a un debut focal, une cecite transitoire ou un syndrome confusionnel avec presence de lestons demyelinisantes de la substance blanche au scanner cerebral. L’atteinte peripherique associe tremblements, paresthesies, crampes. La ciclosporine augmente l’incidence de certains c.ancers: Iymphomes non hodgkiniens (20%), cancers spino-cellulaires, sarcome de Kaposi, autres sarcomes. L’hyperkaliemie est liee a la diminution de l’excretion urinaire du potassium. Le pool d’acide urique augmente par baisse de l’elimination urinaire, avec parfois crise de goutte. L’hypomagnesemie par augmentation de la clairance renale du Mg++ doit etre prevenue. L’hyperplasie gingivale et l’hypertrichose sont dose-dependantes et recuites pour des doses orales inferieures a 5 mg/kg/j.

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NOUVEAUX MEDICAMENTS IMMUNOSUPPRESSEURS

TACROLIMUS (FK 5O6) Ce macrolide, isole de Streptomyces tsukubaensis au Japon en 1983, est une molecule hydrophobe a puissante action immunosuppressive in vivo. In vitro, il inhibe l’activation des Iymphocytes T a des concentrations 10 a 100 fois plus faibles que la ciclosporine. Son mode d’action apparais similaire a la ciclosporine: il bloque la proliferation des Iymphocytes T dependante du calcium aux memes stades d’activation precoce. Le FK 506, tres mal absorbe avec une concentration maximale obtenue entre I et 4 heures, a une demi-vie de 8,7 heures, une clairance elevee et une large distribution. Le metabolisme repose sur le meme CP 450 que la ciclosporine. Les effets secondaires sont analogues a ceux de la ciclosporine. Les complications infectieuses, neurologiques, renales et Iymphomateuses sont plus frequentes, avec un effet diabetogene notable; mais l’hypertension arterielle est moins marquee que sous ciclosporine. Le FK 506 administre par voie intraveineuse (0,30 mg/kg/j en perfusion continue) puis per os (0,10 a 0,15 mg/kg/j) est efficace en prophylaxie du rejet de greffe. L’administration de FK 506 permettrait de recuire le nombre de rejets corticoresistants et le rejet chronique.

DÉOXYSPERGUALINE (15 DSG) Isolee en 1981 de Bacillus laterosporus et utilisee chez l’homme comme anticancereux, la DSG prolonge la survie des allogreffes. Elle supprime l’induction des Iymphocytes T cytotoxiques par un mecanisme different de la ciclosporine, mais synergique avec celle-ci. La DSG recuit la differenciation des cellules souches hématopoïétiques, contribuant a la pancytopenie peripherique observee a fortes doses. Les premiers essais chez l’homme montrent une efficacite dans le traitement curatif et prophylactique du rejet aigu renal avec des effets indesirables mineurs ne necessitant pas l’arret du traitement.

RAPAMYCINE Ce macrolide fungique, isole de Strepton7yces hygrosc opicus, a une structure proche du FK 506. In vitro, la rapamycine inhibe la proliferation des cellules T, mais cette action n’est pas limitee a la phase GO du cycle cellulaire, contrairement a celle, selective, de la ciclosporine. L’association ciclosporine et rapamycine apparaît synergique in vitro, mais ces resultats restent a analyser chez l’animal avant d’envisager l’administration chez l’homme.

MIZARIBINE (OU BREDININE) Ce nucleotide imidazole, largement utilise au Japon depuis 1982, a une action analogue a 1’azathioprine. Son activite immunosuppressive repose sur l’inhibition de la synthese des acides nucleiques.

MYCOPHÉNOLATE MOFÉTIL (RS-61443) Le RS-61443 inhibe puissamment l’IMPDH (inosine monophosphate deshydrogenase) et donc la synthese de novo des purines, mais non l’HGPRT (hypoxanthine-guanine phosphoribosyl-transferase), responsable de la voie de synthese << de sauvetage >> des purines. Les Iymphocytes dependent essentiellement de la synthese de novo et le mycophenolate a donc une certaine specilicile d’aclion sur ces cellules. II inhibe la proliferation Iymphocytaire et la production d’immunoglobulines, mais non la production d’lLI, IL2 ou d’lL2-R. Synergique avec la ciclosporine, le mycophenolate inhibe le rejet aigu d’allogreffe et previendrait le rejet chronique. II inhiberait egalement le rejet xenogenique. Sa toxicite s’exerce essentiellement sur la moelle osseuse et le systeme Iymphocytaire (anemie et Iymphopenie). Des doses de 400 mg a 5 g/j ont ete utilisees dans le traitement de la polyarthrite. Aucun effet secondaire notable n’est survenu jusqu’a 2g/j. Au-dela, fievre, rash cutane, nausee, vomissements, myalgies, arthralgies ont ete notes.

BREQUINAR SODIQUE Il inhibe la synthese de novo des bases pyrimidiques. 11 inhibe les reponses cellulaires et la production d’anticorps. II est synergique avec la ciclosporine. Efficace dans la prophylaxie du rejet d’allogreffe, il previendrait le rejet de xenogreffe et le rejet d’allogreffe chez des receveurs sensibilises. Sa toxicite s’exerce sur la moelle; diarrhee et rash sont possibles.

Les nouveaux immunosuppresseurs en cours d’evaluation sont caracterises par une activite immunosuppressive plus puissante que celle des precedents, leur conferant une plus grande capacite de prevention du rejet aigu et probablement du rejet chronique. Cependant les ns-tues infectieux et carcinogenes, proportionnels a l’effet immunosuppresseur, risquent d’etre augmentes du meme coup. L’ideal est de disposer d’un produit favorisant la tolerance et permettant de recuire, voire d’interrompre, a long terme, le traitement immunosuppresseur. Cet effet, partiellement realise par la ciclosporine. reste a demontrer pour les nouveaux immunosuppresseurs.

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SERUMS ANTILYMPHOCYTAIRES

Les serums antilymphocytaires d’origine animale (SAL) ont une action immunosuppressive puissante, utilisee en transplantation renale depuis 1967. Secondairement, la production de GAT (globulines antithymocytaires), plus actives et mieux tolerees (1978), a permis d’ameliorer 1’effet immunosuppresseur desire. Depuis lors, SAL et GAT sont utilises en prophylaxie du rejet et pour le traitement curatif des rejets resistants aux corticoïdes. Une seconde generation d’anticorps antilymphocytaires est apparue avec les anticorps monoclonaux, dont l’OKT3 (anti-CD3), utilise en traitement curatif du rejet, est le chef de file.

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A. Globulines antilymphocytaires polyclonales

La purete et l’efficacite des SAL et des GAT ne peuvent pas etre standardisees. La fraction IgG pur)fiee porte l’activite et contient des anticorps diriges contre les antigenes de surface des Iymphocytes T, B et des macrophages,assurant l’effet immunosupresseur, et contre la beta-2-microglobuline et les cellules endotheliales, responsables d’effets indesirables. Le mode d’action exact reste debattu. L’interruption initiale de la reaction de rejet semble lie e a l’elimination des cellules T. Une Iymphopenie precoce et parfois profonde s’observe apres les premieres injections, mais n’est pas indispensable a l’activite immunosuppressive. A l’arret du traitement, le nombre de cellules T circulantes augmente, mais leur reponse proliferative reste diminuee, probablement par une induction secondaire non specifique de cellules T suppressives.

Effets secondaires Frissons et reactions febriles (5 à 10%), erythème et prurit (1%) sont traites par les antipyretiques et les antihistaminiques. Des manifestations anaphylactoides (hypotension, urticaire, purpura), plus rares, imposent l’arret des perfusions. Une thrombopenie (30%) peut apparaître au 7ème-10ème jour et accompagner une maladie serique (4%) ou une hemolyse lices a l’apparition d’anticorps contre les proteines animales etrangeres. Elle necessite l’arret du traitement au-dessous de 50000 plaquettes/mm3.

Indications Les SAL sont utilises en prophylaxie du rejet. Apres transplantation renale, ils diminuent la frequence des episodes de rejet precoce et les doses de corticoïdes utilisees sous traitement conventionnel, mais ne modifient pas la survie du greffon a long terme. L’efficacite de la tritherapie (SAL + corticoides + azathioprine) n’est pas superieure a celle de la bitherapie ciclosporine/corticoïdes. L’utilisation des SAL ou GAT permet d’attendre la recuperation de la fonction renale avant d’introduire la ciclosporine et de recuire sa nephrotoxicite precoce. En transplantation cardiaque, SAL ou GAT prophylactiques augmentent la survie des patients. Malgre l’absence d’etu le randomisee, SAL et GAT sont aussi parfois utilises en prophylaxie du rejet apres transplantation hepatique et pancreatique. Ils sont egalement indiques dans le traitement du rejet aigu resistant aux corticoides, quel que soit l’organe transplante, avec une ef f’icacite de 80%. La notion d’allergie aux proteines animales (cheval, lapin) contre-indique l’utilisation du serum considere.

Les Iymphoglobulines de cheval (1 ampoule/10 kg) ou les thymoglobulines de lapin (1 a 2,5 mg/kg) sont utilisees en prophylaxie du rejet pendant 5 a 20 jours et en traitement curatif pendant 3 à 10 jours selon l’organe transplante. La numeration-formule sanguine doit etre surveillee pendant toute la duree du traitement. La numeration des Iymphocytes T circulants permet d’adapter la posologie en maintenant le nombre de cellules T masures (Cl 3) inferieur a 10% des valeurs pretherapeutiques.

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B. Anticorps monoclonaux

Les anticorps monoclonaux ont une homogeneite physico-chimique (classe, sous-classe) impossible a obtenir avec les globulines polyclonales. Differents anticorps monoclonaux ami-leucocytes humains, utilises initialement a visee purement diagnostique, sont a l’etude comme immunosupresseurs en transplantation.

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1. ANTICORPS ANTI-CD3 (ORTHOCLONE OKT3®) [9]

L’OKT3 est une IgG murine dirigee contre le recepteur CD3 exprime a la surface des cellules T masures humaines peripheriques (CD3+). In vivo, I’OKT3 entra-me une disparition des cellules CD3+ avec Iymphopenie. In vitro, il bloque la fonction effectrice des cellules T specifiques de l’antigene: le recepteur CD3 et le recepteur a l’antigene sont eelimines de fa,con temporaire par endocytose ou relargage dans le milieu environnant. L’OKT3 entraine par ailleurs un relargage massif de cytokines par activation des cellules T, responsable d’effets secondaires genants.

Pharmacocinetique Apres une injection intraveineuse de 5 mg, la concentration serique est maximale en 1 a 2 heures. Les cellules T circulantes (CD3+) disparaissent 20 a 60 minutes apres la premiere injection. Entre le 2e et le Se jour de traitement apparaissent des cellules T de phenotype CD + CD3- CD4+ et CD2+ CD3- CD8+, consecutives au phenomene de modulation antigenique et capables in vitro de reexprimer la molecule CD3 apres quelques heures. La reapparition de cellules CD3+ s’observe a 1’arret du traitement ou en cas d immunisation contre l’anticorps. Des anticorps circulants anti-OKT3 detectables par dosage ELISA apparaissent a partir du 10ème jour de traitement. Parmi eux, des anticorps anti-idiotypiques bloquent l’action de I’OKT3.

Effets secondaires Fievre, frissons, tremblements, diarrhee et/ou vomissements sont tres frequents lors de la premiere injection. Ces symptômes, lies a la liberation de cytokines, sont prevenus par les corticoides. Leucopenie, hypo- ou hypertension, hypoglycemie, cephalees et/ou meningo-encephalite aseptique sont plus rares (8% des cas). Le risque d’oedème pulmonaire en cas de surcharge volemique (prise de poids > 3%) est prevenu par une depletion adaptee avant l’injection. La frequence des infections virales, en particulier herpes et cytomegalovirus, augmente dans les 2 a 3 semaines suivant le traitement.

Indications L’OKT3 est indique dans le traitement curatif du rejet aigu d’allogreffe, avec reversibilite du rejet dans plus de 90% des cas. II est egalement indique pour traiter le rejet aigu resistant aux corticoides ou aux GAT avec une efficacite demontree en transplantation renale (70%), cardiaque (53%) et hepatique (78%). L’OKT3 en prophylaxie du rejet apres transplantation renale ou cardiaque n’apparait pas superieur aux globulines polyclonales.

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2. AUTRES ANTICORPS MONOCLONAUX

De nombreux anticorps monoclonaux murins diriges contre des recepteurs (IL2 R des Iymphocytes T actives, ICAM I des monocytes-macrophages et des cellules endotheliales, LFA I des Iymphocytes T, TNF des Iymphocytes T actives) et/ou des marqueurs des sous-populations Iymphocytaires (CD3/TCR des Iymphocytes T masures, CD5 des Iymphocytes T masures et des Iymphocytes B, CD7 des Iymphocytes T masures et des cellules NK, CD4 des Iymphocytes T helper, CD 45 des cellules dentritiques) font l’objet d’essais therapeutiques chez l’homme, mais leur diffusion reste limitee. L’utilisation associee ou sequentielle de plusieurs anticorps monoclonaux devrait permettre a l’avenir de definir des protocoles therapeutiques de plus en plus selectifs dans la modulation de la reponse immune. L’humanisation de ces anticorps monoclonaux murins permettra de recuire leur immunogenicite et donc le risque de neutralisation.

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BIBLIOGRAPHIE

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