Date: Sat, 14 Feb 2009 10:59:42 +0100
To: Le C.A.
From: Cyril Quémeras
Subject: [CA-Medic] Compte-rendu journée RIFHOP 12/02/2009
Bonjour à tous :-)
Un petit mot concernant notre passage à Curie avec David jeudi.
David a, comme convenu, présenté Médicalistes et les listes, sans la moindre note et avec l'aisance de l'orateur rompu à l'exercice (pfff, c'est pas juste ;))) ) puis j'ai fait mon petit topo. Voici la version écrite que j'ai lue sans changer grand-chose.
L'amphi (200 places) était archi plein jusqu'en début d'après-midi mais il y avait pas mal de places vides vers la fin de l'après-midi, lors de notre intervention (à la louche, il y avait entre 60 et 80 personnes qui étaient parties avant la fin de la session).
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D'abord un chaleureux merci à Jean Michon de nous avoir conviés à participer à cette journée du RIFHOP.
Après une journée très riche en exposés et informations très variés dans le contexte "réaliste" de l'environnement de l'enfant en fin de vie, je vais essayer de faire assez court pour vour parler d'un monde apparemment virtuel - l'Internet - mais qui rejoint le réel plus que nous le pensons à prime abord, par la communication qu'il permet entre les parents d'un enfant soigné pour une maladie grave mettant potentiellement en jeu le pronostic vital. Au travers de deux ou trois témoignages, je vais essayer d'être le "porte-parole" de ces parents.
Précédant le contexte aigü de la fin de vie, il y a "l'avant", période propice à la recherche de contacts et d'informations par les parents de l'enfant; parmi les moyens de recherche, on peut citer le centre de référence où est suivi l'enfant, le monde associatif et, bien sûr, l'Internet.
Sur l'Internet, plusieurs sources d'information s'offrent aux parents:
sources statiques: sites web associatifs ou scientifiques, de référence
sources dynamiques, "bijectives": les blogs, les forums, les listes de discussion (je ne parlerai volontairement pas des newsgroups, trop confidentiels d'accès).
Sur ces espaces d'échanges se nouent la plupart du temps des relations authentiques, durables, fortes entre ces parents concernés par la maladie puis le deuil d'un enfant.
Tout n'y est pas forcément idyllique non plus car tous les types de personnalité y sont représentés avec leur lot "d'incompatibilités." (incompatibilités gérées de manière efficace par les gestionnaires des listes)
Ces relations écrites initiées sur des espaces communs à tous les abonnés débouchent presque toujours sur des contacts privés, d'abord par courrier électronique puis non rarement par téléphone voire débouchant sur des rencontres physiques.
Pour exemple, voici le témoignage d'un parent utilisateur de blogs et de listes de discussion, concerné et qui est passé par ces différentes phases:
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"Il faut aussi dire que quand on vit les derniers mois/semaines avec un enfant malade, on n'a souvent pas trop de temps pour être ici ou là et le blog a deux mérites:
. cela permet de donner des nouvelles autour de soi, de recevoir
des commentaires de soutien, des mails de soutien
. et cela permet aussi de tenir un journal dont on sait qu'il nous
restera par la suite (journal souvent commencé bien avant, évidemment)
Les listes en elles-mêmes servent surtout pour demander des infos pratiques, des traitements antalgiques etc. Les blogs sont aussi utiles en tant que lecteurs. Personnellement, c'est grâce aux blogs de deux familles aux USA que j'ai pu savoir ce qui allait arriver et anticiper pratiquement tout, jusqu'au bout (et ce n'est pas rien, croyez moi). Evidemment, je correspondais aussi, si besoin avec ces personnes."
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Autre témoignage, celui d'un autre parent sur le sujet des listes de discussion:
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Au diagnostic de mon enfant, le ciel nous est tombé sur la tête: notre fils avait un cancer. Durant 2 mois, nous étions perdus, seuls, renseignés à demi-mots par le milieu hospitalier, et toujours réduit au strict minimum, et par des termes médicaux (normal). Et puis j'ai trouvé cette liste et, là, on se rend compte - enfin - que l'on n'est plus seul dans cette situation si particulière, d'autres parents connaissent la même angoisse, la même vie.
Et tout ce que l'on peut ressentir est enfin compris, même les plus proches - amis ou famille - qui essaient très gentiment, ne peuvent pas saisir, on est projeté dans un autre monde que seules les personnes touchées peuvent comprendre. J'ai voulu dans un premier temps savoir concrètement ce que signifiaient ces traitements envisagés pour mon enfant. Alors, des parents - des gens comme moi donc - m'ont répondu avec leurs mots, les miens donc, et tout s'est éclairé. Et puis, sur cette liste, on voyait aussi que certains enfants s'en sortait, quel espoir !
Parfois en détresse morale, je venais coucher quelques lignes de désespoir, et tout de suite, plusieurs réponses me parvenaient pour me remonter le moral mais aussi me disaient que tout ce que je ressentais était normal ! On se permet parfois d'aborder même des thèmes que nous n'oserions verbalement. Plus tard, j'arrivais moi-même à aider les "nouveaux" arrivants ou renseigner les autres parents. Sur la liste, il n'y a pas de faux sentiments, pas le temps ni la place pour ça, tout ce qui s'écrit est sincère et pensé. Bref, je n'aurais pas connu cette liste, je ne sais pas comment j'aurais vécu la maladie de mon enfant, je ne sais pas si j'aurais tenu le coup psychologiquement. Merci donc à cette liste d'exister.
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Voilà pour "l'avant".
Quand l'enfant est décédé, certains parents restent sur ces espaces et font partager leur expérience en fonction des questions, des besoins des autres parents.
Mais ils peuvent aussi se retrouver sur des espaces d'échanges dédiés, soit sur leur blog, comme durant la maladie de leur enfant, soit sur des forums:
forum des parents désenfantés de la Donation Lou Salomé, fondée par Babeth Becker aujourd'hui disparue
ou listes consacrées comme la liste Pas-à-Pas que Médicalistes héberge (140 abonnés environ).
Voici un autre témoignage, émanant d'une mère ayant perdu un enfant il y a plusieurs années d'un neuroblastome:
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"En ce qui me concerne, j'ai beaucoup utilisé la liste américaines (très active), pour les infos et le support psychologique, ainsi que le blog de mon enfant sur "CaringBridge" qui permettait à tous d'avoir des infos sans nécessairement devoir téléphoner (franchement, à ces moments-là, on n'a pas du tout envie de passer du temps au téléphone).
Avant même la mort de mon enfant, j'étais inscrite sur la liste de deuil américaine. Après l'horreur du décès (même si on est censés y être préparés, même si on a un bel esprit cartésien, même si les médecins ont été très explicites, ne nous ont rien caché, etc, ça n'en reste pas moins "impossible", inacceptable), on se retrouve tout seul, on n'appartient déjà plus au groupe de ceux qui se battent pour la vie. C'est le grand inconnu.
La liste de parents, c'est avoir un lieu où on peut venir écrire tout ce qu'on a sur le coeur (la douleur, la peur, la colère aussi) en sachant que les autres vont comprendre, vont partager, vont dire des mots qui vont nous toucher et non pas les maladresses parfois terribles qu'on est forcés d'entendre après le décès de son enfant.
Sur la liste pas à pas, en s'inspirant de la liste américaine, un système de petits messages aux dates anniversaires (très important pour les parents désenfantes) a été instauré [...] Les parents qui arrivent vont aussi rencontrer virtuellement des "anciens"; des anciens qui survivent, qui revivent, qui ont retrouvé le bonheur ; en soi, c'est déjà une lumière au fond de la nuit ; chacun suit son propre chemin, mais, dans le fourmillement, on trouve des idées, on s'identifie, on se sent "normal"."
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Voilà pour ces trois témoignages qu'il m'a semblé important de vous rapporter.
Ils ne permettent pas de se faire une idée précise des échanges qui peuvent avoir lieu au sein des listes de discussion et des blogs mais - croyez-moi sur parole - ils sont d'une richesse, d'une humanité, d'une compréhesion (implicite ou explicite) extraordinaires.
Quelques points tirés de ma thèse (2003)
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NDR: je suis passé super vite sur ces chiffres, j'en ai volontairement zappé au moins la moitié (ça faisait trop catalogue et notre intervention était la dernière de la journée). En rouge les chiffres non mentionnés.
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D'un point de vue plus général (ne concernant donc pas que les parents dans une situation de fin de vie pour leur enfant)
Chiffres 2003:
45% des Français s’estimaient insuffisamment informés sur leur santé
84% considèraient que l’Internet était un outil d’information complémentaire nécessaire sur la santé
79% estimaient que ces informations ne les inciteraient pas à remettre en cause les diagnostics de leur médecin
Par rapport aux informations délivrées par leur médecin, les Français trouvaient les informations recueillies sur l’Internet:
. plus détaillées (55%)
. plus complètes (58%)
. plus claires (50%)
. mais moins rassurantes (45%)
97% faisaient toutefois confiance à leur médecin
Buts des contributions:
Poser question médicale 52,7%
Apporter du réconfort 52,3%
Trouver du réconfort 44,0%
Répondre question médicale 26,9%
Le reste:
. prise en charge psychologique
. questions d'ordre administratif
. social
. éducatif
. alimentaire
. hygiène, etc...
Satisfaction globale déclarée poru les listes: près de 90% (89,6%)
Disparité d'opinion entre grand public et population médicale:
Grand public:
impact psychologique 67%
impact médical spécifique 56%
impact social 35%
impact familial 30%
impact administratif 19%
Population médicale:
impact relationnel 89%
impact décisionnel: 43%
impact thérapeutique: 31%
Intérêt global:
Grand public: 59,1% déclaraient un "grand intérêt" des listes de discussion
contre seulement 14,8% de la population médicale interrogée
Bien sûr, il serait intéressant d'actualiser ces chiffres par une nouvelle enquête.
Listes de discussion:
Principaux points positifs
. rupture d’un isolement géographique, psychologique
. échange d’expériences
. soutien psychologique
. notion de solidarité
. informations médicales spécifiques, autorisant une meilleure compréhension de la maladie
Principaux points négatifs
. effet anxiogène paradoxal
. conflits de personnes
. discussions parasites (”bruit”)
. surabondance des contributions
. listes inactives
. diffusion d’informations médicales inadaptées voire erronées
Dernier mot: pour celles et ceux qui le souhaitent, nous avons apporté quelques dépliants sur ce que nous faisons à Médicalistes.
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(NDR: derrière moi, sur le grand écran, j'avais laissé en fond le PDF du dépliant. C'était écrit petit mais ça faisait un [petit] support à mon baratin :-) )
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Questions/réponses
Surtout une intervention d'un monsieur d'un certain âge dont j'ai oublié le nom (mais je pourrais le retrouver par Mme Dominique Davous - cf plus bas dans le mail) et qui était manifestement d'une frilosité de type glaciaire vis à vis des discussinos sur Internet entre parents d'un enfant en fin de vie en particulier et entre patients en général....
Il nous a expliqué qu'au sein de son association, il se passait "au moins un an" avant qu'un membre ne soit "formé" au suivi et au contact de parents ayant affronté le deuil et que notre exposé "lui avait fait très peur".
Dominique Davous - l'intervenante précédente (cf programme ci-joint) - lui a répondu. Elle semblait bien le connaître (je crois me rappeler qu'il se prénomme Philippe).
Puis une question d'une des organisatrices concernant l'accessibilité des blogs des parents des petits patients par les membres des équipes soignantes et des problèmes que cela pouvait soulever. J'ai répondu qu'à partir du moment où les parents mettaient en ligne un blog d'accès public - non protégé - et bien qu'ils intégraient certainement le fait que des membres de l'équipe prenant en charge leur enfant pouvaient très bien lire, eux aussi, le blog. J'en ai profité pour grilsser qu'à Médicalistes nous proposions différents niveaux de confidentialité pour les blogs.
Puis une question d'une autre dame conernant les ados hospitalisés et qui avaient accès à Internet de leur chambre, allant alors à la pêche aux informations concernant leur pathologie au pronostic vital potentiellement engagé.
Puis Jean Michon a conclu.
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Quand nous avons quitté l'amphi, Jean Michon nous a rattrapés David et moi pour nous remercier d'avoir fait le déplacement. Le peu que j'ai pu discuter avec lui (à la pause en milieu d'après-midi puis à la toute fin), je l'ai vraiment trouvé sympa et très simple :-)
Voilà :-)
Un grand merci à Sarah, Cécile et Claire pour leurs témoignages, merci à David d'avoir accepté de m'accompagner :-)
Amitiés à tous,
—
Cyril QUEMERAS
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